Le wali du grand Casablanca a notifié jeudi dernier au Conseil de la ville une décision du département de tutelle dont le bien-fondé a convaincu très peu d’élus. A commencer par la maire Nabila Rmili. Décryptage…
Le projet-phare de Casablanca a subi récemment un énorme coup de frein inattendu, en relation avec le projet du centre d’enfouissement et de la valorisation (CEV) des déchets. Un investissement colossal censé mettre définitivement fin au problème de la décharge à ciel ouvert de Médiouna qui continue malgré la fermeture de l’ancienne à dégager des odeurs nauséabondes empoisonnant la vie des riverains de Bouskoura. Or, le terrain d’une superficie de 264 hectares qui devrait abriter le CEV n’a pas été validé par le ministère de l’Intérieur ! La lettre signifiant cette décision, signée par le gouverneur -directeur chargé des Affaires rurales Abdelmajid El Hankari, est tombée le 23 mai dernier comme un couperet sur la maire Nabila Rmili et son équipe qui comptaient beaucoup sur ce méga-chantier pour donner de la consistance à leur mandat, il faut dire, dégarni, depuis leur arrivée aux affaires en septembre 2021.
« Le coup est d’autant plus dur qu’il est intervenu à une semaine du lancement de l’appel à manifestation pour choisir le délégataire », déclare une source proche de ce drôle de dossier qui rappelle l’adoption, lors de la session de février dernier du conseil de la ville, du dossier de préqualification pour la gestion déléguée de cette plateforme. Drôle de dossier en effet parce que le terrain en question était considéré comme acquis par le Conseil de la ville depuis novembre 2021. Mme Rmili était toute contente que l’un des dossiers épineux hérités de l’ancienne équipe aux commandes qui empoisonnent le plus la vie des Casablancais était enfin solutionné. «C’est réglé», avait-elle lancé, toute excitée, aux élus de la majorité. Moralité : Il ne faut jamais vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué. Retour donc à la case départ. Perte de temps, d’efforts et d’argent. Tout ça jeté à la poubelle. Quel gâchis !
Volte-face
Mais comment expliquer un tel revirement qui plus est tardif et préjudiciable aux intérêts de la capitale économique ? «Le projet du CEV ne correspond pas aux orientations urbanistiques définies par le plan d’aménagement communal adopté en 2019», tel est l’argument avancé par Abdelmajid El Hankari dans sa correspondance. Et c’est maintenant qu’on découvre ça ? ! Le ministère de tutelle n’était-il pas censé vérifier les problèmes de conformité et autres détails techniques avant de donner son feu vert? Voilà qui ouvre la porte aux soupçons sur les motifs réels de cette décision… Surtout que le ministère de l’Intérieur avait mobilisé un budget de près d’un milliard de DH pour le rachat du foncier. Lequel terrain est une propriété des communautés soulaliyates, située sur le territoire de la commune rurale El Mejjatia dans la province de Médiouna.
Le site étant jugé non conforme, le ministère de l’Intérieur a invité le Conseil de la ville de trouver un terrain de rechange. «Mais où sachant qu’il est difficile de trouver une assiette foncière de 260 hectares dans une ville hautement bétonnée?», s’interroge sceptique un élu local. Comment expliquer cette volte-face? Est-elle l’expression d’un acte d’improvisation ou d’un changement de dernière minute imposé par un cas de force irrésistible ? Autrement dit, le terrain aurait fait entretemps l’objet de convoitise du puissant lobby de l’immobilier qui veut le détourner de sa vocation de départ.
Ce n’est pas exclu surtout que la zone d’El Mejjatia a été ouverte à l’immobilier résidentiel économique et qu’une décharge à ciel ouvert ou par enfouissement ne peut être implantée que dans une zone éloignée du centre urbain. Les terres soulaliyates d’El Mejjatia dégagent aujourd’hui les relents d’un scandale…