La guerre de Poutine contre l’Ukraine, qui n’arrête de faire flamber au-delà du raisonnable les cours du pétrole et les prix des produits alimentaires de base, fait peser une menace réelle sur la paix sociale.
Insuffisant ! C’est ainsi qu’a été qualifié par les professionnels du transport le dispositif d’aide directe mis au point par le gouvernement pour atténuer les effets de la hausse du prix du gasoil. A cet effet, une plateforme électronique dédiée a été installée pour permettre aux candidats éligibles au soutien d’en bénéficier depuis le 1er avril. Quelque 18.000 véhicules, toutes branches d’activité, sont concernés pour un montant de 2 milliards de DH. Un budget débloqué en une seule fois qui n’est pas récurrent ou renouvelable, censé couvrir les fluctuations de l’or noir actuelles et à venir. Le niveau de la subvention, qui oscille entre 1200 et 6000 dirhams pour chaque engin, est déterminé par la nature de l’activité (voyageurs, taxis, marchandises, tonnage, etc.). Mais à peine mis en place que ce système perd déjà de sa pertinence face à la flambée continue des prix des carburants à la pompe où le gasoil a dépassé le seuil de 14 DH le litre dans plusieurs villes du pays. Résultat: La Fédération nationale du transport multimodal (FNTM) a annoncé une nouvelle grève à partir du mercredi 6 avril pour signifier à l’exécutif que les mesures prises ne répondent pas à leurs attentes, et réclamer de nouveau l’adoption de «l’indexation gazole» en vigueur depuis plusieurs années dans de nombreux pays européens comme la France où il a été instauré dès l’année 2000. Ce dispositif de régulation permet justement de protéger les transporteurs des fluctuations importantes des prix à la pompe. Les variations de charges de carburant sont ainsi «répercutées, à la hausse comme à la baisse, selon l’évolution du prix du carburant et mentionnées en ‘pied de facture’».
Levier politique
En vertu de ce mécanisme, «le prix du transport initialement convenu est même révisé de plein droit pour prendre en compte la variation du coût du carburant entre la date du contrat et la date de réalisation du transport». Pratique et avantageuse pour les professionnels du transport, l’indexation gazole est jugée politiquement et socialement risquée pour le gouvernement qui préfère le dispositif de la subvention directe qui lui permet, contrairement au système d’indexation, de garder la haute main sur le pouvoir d’achat de la population et éviter qu’il ne soit sujet à une érosion perpétuelle. Le carburant est utilisé par le gouvernement comme un levier politique pour maîtriser le niveau des hausses des prix des produits de consommation courante. Accepter que les transporteurs répercutent de manière libre et indépendante les variations des cours (qui seront supportées par le consommateur final dans ses achats de première nécessité) revient à faire peser une menace réelle sur la paix sociale. Surtout en temps d’envolée spectaculaire des prix dans la conjoncture de la première guerre mondialisée. Depuis la fin de l’année 2021, les prix à la pompe ont augmenté de près de 68%. Et depuis quelques jours, le prix du diesel a dépassé – du jamais vu au Maroc – de quelques bons centimes celui de l’essence, au grand dam des automobilistes qui, eux, paient au prix (très) fort leur consommation. Dans un marché international très tendu et volatil en raison de la guerre en Ukraine, difficile de savoir jusqu’où ira la hausse ? Le Maroc « d’en hausses» devient inquiétant et le gouvernement, qui n’a pas dit son dernier mot, a toujours la possibilité en cas d’atteinte de cote d’alerte de suspendre les taxes, notamment la TIC (taxe intérieure de consommation), qui lui rapportent la bagatelle de 30 milliards de DH par an. Une mesure qu’il a toujours refusé de prendre malgré la pression des syndicats et certaines voix de l’opposition. Pour que ça ne parte pas dans tout l’essence ?