Le président du Wydad et homme politique du PAM croupit à la prison de Oukacha dans le cadre d’une vaste enquête pour trafic de drogue. Said Naciri ne va certainement pas s’ennuyer puisqu’il a comme compagnon son ami du parti et associé dans cette entreprise criminelle Abdenebi Bioui de l’Oriental. Révélations.
Tremblement de terre dans les milieux de la politique et du football national. Le président du WAC Said Naciri, 54 ans, a été inculpé jeudi 21 décembre dans le cadre d’une vaste affaire de trafic de drogue et mis sous mandat de dépôt à la prison de Oukacha à Casablanca. Cette issue était prévisible puisque les ennuis judiciaires de M. Naciri ont transpiré quelques semaines plus tôt dans les médias locaux. La descente aux enfers du dirigeant sportif casablancais a une relation directe avec les aveux faits à la BNPJ par l’«Escobar du Sahara », de son vrai nom El Hadj Ahmed Ben Ibrahim, le Malien, détenu au Maroc depuis 2019 pour trafic de stupéfiants. (Voir le Canard Libéré n° 750). Saïd Naciri n’est pas la seule figure à avoir maille à partir avec la justice dans ce dossier sulfureux. Moins connu que le patron du club de football le plus titré du pays, Abdenbi Bioui fait partie aussi du lot des mis en cause et partage avec son compagnon d’infortune son affiliation politique, le Parti Authenticité et Modernité (PAM), membre de la coalition gouvernementale avec le RNI et l’Istiqlal. Le parti dirigé par le ministre de la Justice Abdellatif Ouahbi s’est fendu le 23 décembre d’un communiqué où il prend ses distances avec ses deux membres indélicats en expliquant en substance que personne n’est au-dessus des lois. En plus de ses responsabilités sportives (Wac, Fédération royale marocaine de football, Ligue nationale de football professionnel), l’enfant de Zagora dont il est originaire est président du conseil préfectoral de Casablanca et membre du conseil de la ville de la métropole. Pour cause d’incompatibilité, Saïd Naciri a dû renoncer à son poste de conseiller à la deuxième Chambre au profit du second de la liste PAM à Casa-Anfa, Abdelwahed Chaouki, patron de l’entreprise Bibanacom qui opère dans le secteur de la menuiserie industrielle. M. Chaouki, connu pour ses accointances avec le patron du WAC, a été interrogé par la BNPJ dans le cadre de ses investigations et selon certaines indiscrétions aurait enfoncé son ami avec lequel il était en affaires. Lesquelles ? Mystère… Jusqu’ici, un grand secret entourait l’origine de la richesse de ce titulaire d’un diplôme en informatique auquel même ses amis proches ne connaissent pas d’affaires prospères ayant pignon sur rue pouvant expliquer le statut de milliardaire de celui qui roule dans des voitures de luxe à plus de 3 millions de DH. Trainant une réputation peu flatteuse aussi bien en politique que dans le domaine du foot, Naciri a ceci de particulier qu’il ne fait ses emplettes qu’en liquide et jamais en carte bancaire. Vieux jeux Naciri ? Réfractaire à la technologie ? Plutôt adepte du «vivons heureux, vivons en cash». Selon certaines rumeurs, la police aurait saisi dans son domicile casablancais la bagatelle de 150 millions de DH en liquide… Quant à Abdenebi Bioui, 52 ans, il jette son dévolu sur le Conseil régional de l’Oriental (il en est président depuis 2015) après s’être fait élire député de Oujda (2011-2015). Poursuivi avec l’istiqlalien Omar Hjira en sa qualité de président de la commune d’Oujda, pour dilapidation de deniers publics sur la base d’un rapport de la Cour des comptes, M. Bioui sera condamné en 2018 à un an de prison ferme ( contre 2 ans pour son complice présumé, avant d’être blanchis en juillet 2023 par la Chambre criminelle de la Cour d’appel de Rabat. Une condamnation qui ne l’a nullement empêché curieusement de briguer en 2021 un deuxième mandat à la tête de la région de l’Oriental et de le décrocher !
Actions de charité
Comme pour s’offrir une armure politique dans un Maroc qui a pourtant décrété depuis longtemps la fin de l’impunité, M. Bioui collectionne les casquettes: président du conseil d’administration du Fonds d’investissement de la région de l’Oriental, président honorifique du Forum des régions africaines, secrétaire général de l’Association des régions du Maroc et membre du bureau de la Fédération nationale du bâtiment et des travaux publics (FNBTP). En excellent baron qui veut masquer ses activités souterraines sous un halo de bienfaisance en se donnant un vernis de respectabilité , il sponsorise des actions de charité dans sa terre natale via sa fondation Basma pour les œuvres caritatives. Bioui Travaux publics, une entreprise familiale basée à Oujda dont il est le patron, connaît parallèlement à sa montée en puissance politique rapide, une ascension tout aussi fulgurante au cours des dernières années, en arrivant à rafler des marchés colossaux dans les plus grandes villes du pays ( trémie du boulevard Ghandi à Casablanca, la ligne 3 et 4 du tramway, barrage Tlat Jmaa, dédoublement de la voie à Agadir, chantiers avec l’ONCF, etc). Ce qui a permis à l’opérateur de se faire en peu de temps un nom dans le cercle très fermé des BTP et à faire concurrence aux enseignes anciennement établies. Originaire du Maroc né au Mali en 1976, l’Escobar du Sahara a levé le voile sur la vraie origine de la fortune de Bioui et de Naciri en passant à table lors de son interrogatoire par la BNPJ. Le baron de drogue malien, marié à la chanteuse Latifa Raafat qui vient de sortir de son silence pour jouer les vierges effarouchées dans une longue video en s’en prenant à ses détracteurs, a accusé les deux hommes de trahison, qu’il a présenté, preuves à l’appui, comme ses associés depuis 2010 dans le trafic du cannabis, qu’il se chargeait d’écouler sur le continent africain.
Le tandem pamiste aurait, selon les dires de Haj Moussa, fomenté un complot pour le faire tomber au Maroc. Mission accomplie puisqu’il sera cravaté lors de son arrivée à l’aéroport Mohammed V à Casablanca. Objectif de ses anciens partenaires : le doubler et le déposséder de ses biens au Maroc, dont une villa à Casablanca devenue propriété de Saïd Naciri après falsification du titre foncier. Parmi les co-accusés de Naciri et Bioui figurent justement une notaire, un ancien député PAM, Mir Belkacem, deux commissaires de police, deux gendarmes, un homme d’affaires, une créatrice de mode et le président de la commune Ain Sfa dans la région d’Oujda. Celui-ci n’est autre que le frère de Abdenebi Bioui qui fait également office gérant de l’entreprise Bioui Travaux. Abderrahim Bioui a été arrêté début octobre suite à la saisie par la BNPJ de grosses quantités de cocaïne, de cannabis, de psychotropes et d’importantes sommes d’argent en liquide dans la ferme familiale dans la région de l’Oriental. Au total, le juge d’instruction de la Chambre criminelle près la Cour d’appel de Casablanca a décidé de poursuivre en état d’arrestation 20 accusés sous une série de chefs d’accusation dont : trafic de drogue, corruption, falsification d’un document officiel, facilitation de la sortie d’individus du territoire national dans le cadre d’une bande criminelle. Un seul prévenu est poursuivi en état de liberté provisoire, alors que les dossiers de quatre suspects ont été renvoyés à la BNPJ pour complément d’enquête. Une enquête qui n’en est visiblement qu’à ses débuts et qui pourrait faire tomber bien d’autres têtes dans ce qui ressemble à un vaste réseau de trafic de drogue aux ramifications complexes au cœur des instances politiques et sportives du pays. Compte tenu de ses têtes d’affiches, Naciri et Bioui, ce procès présente tous les ingrédients du feuilleton judiciaire de l’année 2024.