Devenue plus accessible sans stress ni fatigue par la Ligne Grande vitesse, Tanger a gagné en attractivité touristique grâce à l’enrichissement de son offre par la réhabilitation de nouveaux sites historiques. Voyage au cœur d’une cité qui prend de plus en plus de l’altitude.
Situé sur l’avenue Mohammed VI, Marina Bay, l’ex-hôtel Rif, merveilleusement rénové par son nouveau propriétaire, le groupe Atlas Hospitality, offre depuis les étages supérieurs une vue superbe sur la Marina de la ville, Tanja Marina Bay International où est stationnée à quai une flopée de yachts. Le panorama est encore plus sublime par temps clair en ces journées ensoleillées et sans vent du lendemain de l’Aïd Al Fitr. Attenante au port de plaisance, la nouvelle gare maritime, qui a repris son activité depuis le réchauffement des relations maroco-espagnoles, accueille de nouveau des bateaux de croisière mais aussi des fast ferries qui relient Tanger à la ville voisine espagnole de Tarifa. Franchement, il fait bon flâner à Tanger, se laisser porter par son air marin revigorant depuis que la mer a opéré une ouverture remarquable sur le bâti et les habitants grâce à l’intégration dans une nouvelle vision urbanistique dynamique de la corniche, l’ancienne médina et les espaces historiques avoisinants. Cette belle mue, aux dimensions multiples (touristique, industrielle et culturelle), conduite sans tambour ni trompette par la Société d’aménagement pour la reconversion de la zone portuaire de Tanger (SAPT), est redevable au projet de reconversion de la zone portuaire de la cité initié en 2010 sous l’impulsion royale qui allait renforcer l’attractivité de la ville en interne et à l’international. Le résultat est visible. Époustouflant. Trait d’union entre l’Atlantique et la Méditerranée, point de rencontre entre l’Europe et l’Afrique, Tanger a réussi à se réapproprier sa vocation de carrefour stratégique de premier plan. Elle n’est plus cette ville décrépie et marginalisée, recroquevillée sur elle-même et balayée par les vents du chergui qui font fuir les estivants, vivant seulement de trafics divers depuis qu’elle a perdu en 1956 son statut international. Implantation d’enseignes hôtelières et commerciales étrangères.
Jonction heureuse
Émergence d’immeubles modernes et de nouveaux quartiers résidentiels avec des malls à taille humaine. Artères agrandies, trémies, ponts et nouveaux ronds-points construits… Pour qui a connu Tanger des années antérieures apprécie encore plus sa métamorphose spectaculaire. Une véritable renaissance qui a permis à la Mariée du nord de se positionner avec succès sur le créneau du tourisme de plaisance et de croisière en affichant un visage marqué à la fois par le nouveau et le renouveau. Les vagues du renouveau démarrent juste en face de la gare maritime sur la Place Bab El Marsa qui abritait naguère les locaux de l’ancienne douane livrés des années durant à l’abandon et au délabrement. Ce bâtiment, où étaient effectuées les formalités de dédouanement de toutes les marchandises transitant par le port, a cédé la place à un Port Center rénové qui fait une jonction heureuse avec la médina qui se déploie en hauteur avec une multitude de couleurs et de saveurs. Le Port Center est devenu une sorte de musée de la mer qui expose une kyrielle de reliques témoignant du passé maritime prestigieux de la Cité. Un pont à bascule, des pieux en bois de débarcadère datant de 1882, un bollard de capacité de 30 tonnes, des boulets de canons et bien d’autres objets historiques s’offrent au regard du visiteur . De quoi enchanter les touristes, qu’ils soient croisiéristes ou plaisanciers, qui ont ainsi la possibilité de bien profiter de leur halte qu’ils peuvent enrichir d’autres belles découvertes. Juste au-dessus du Port Center, en montant quelques marches se dresse en effet un autre monument : Borj Dar El Baroud et ses hautes murailles surplombant le port de Tanger-ville. Fortification militaire à trois niveaux, située à l’angle Nord-est de l’ancienne médina, comptant des magasins de stockage des armes (munitions et canons), ainsi qu’un sous-sol à usage militaire, elle atteste des visées expansionnistes des puissances (portugaise, espagnole et anglaise notamment) dont Tanger fit tour à tour l’objet. Inauguré en février dernier au terme d’une réhabilitation qui a débuté en 2015, s’étirant sur une superficie de 2800 m2, Borj Dar El Baroud est conçu comme une vitrine des fortifications de Tanger et de son artillerie. En plus d’une maquette affichant les sept Borjs les plus importants de la ville qui font projeter le visiteur dans les spécificités architecturales de l’époque, ici est exposée une collection de photographies et de cartes, d’armes et d’uniformes militaires qui racontent une histoire locale riche en événements.
Le circuit touristico-culturel se poursuit ensuite en prenant les ruelles en pente qui montent jusqu’au plus haut point de la médina. Là est érigé un fort imposant qui surplombe toute la ville avec une vue imprenable sur l’océan qui rend l’Europe à portée de main. Construit au 18ème siècle pour défendre Tanger contre les incursions ennemies venant du détroit, le site qui jouit d’un emplacement stratégique indéniable vient de connaître une nouvelle vie après sa restauration en 2021. Bienvenue à Borj Enaam, fort des autruches, dédié à la mémoire de Ibn Battouta. Un bel espace d’exposition, ouvert au public en février dernier, qui refait revivre les voyages extraordinaires du plus grand touriste de son époque, né à Tanger en 1304 dans une famille berbère. Dans le hall d’entrée trône une belle statue en marbre de Ibn Battuta, longtemps délaissé avec son mausolée très peu valorisant pour ce personnage de légende. Érudit doublé d’un explorateur hors pair, mais aussi diplomate d’exception, Abu Abdallah Muhammad Ibn Abdallah Al-Lawati Attanji, alias Ibn Battuta, quitta sa ville natale à l’âge de 21 ans en direction de la Mecque pour effectuer le pèlerinage. Il n’en revient que 24 ans plus tard, avec près de 120.000 kilomètres au compteur correspondant à quelque 38 pays visités. Ses pérégrinations le menèrent dans les pays du Moyen-Orient, les Maldives, l’Inde, la Russie, l’Asie centrale et la Chine, avant de rentrer au bercail par le Sri Lanka et l’Afrique de l’Est. Après une pause au Maroc, il met le cap sur le Sahara pour voyager à travers l’Afrique de l’Ouest et posa enfin ses valises pour rédiger le récit de ses aventures en 1355.
Place Bab El Marsa, Borj Dar El Baroud et Bord Enaam, trois hauts lieux historiques pour la promesse d’une belle immersion dans le passé glorieux de la ville. Le tour panoramique de Tanger se poursuit dans la détente en montant toujours plus haut par une route bordée d’immenses propriétés luxueuses qui surplombent l’océan. Bienvenue dans le quartier Rmilat auréolé d’une forêt luxuriante : le parc Perdicaris, ouvert récemment aux visiteurs. S’étirant sur une superficie de 70 hectares, celui-ci doit son nom à Ion Perdicaris, richissime consul américain d’origine grecque qui acheta en 1887 ce domaine enchanteur qui offre une vue imprenable sur le détroit de Gibraltar et l’océan. Non loin de là, se dresse Cap Spartel, point de rencontre de la Méditerranée et de l’Atlantique, dont le phare qui remonte à 1861 a été rénové récemment par le ministère de l’Équipement du Transport et de l’Eau.
Située à quelques encablures de Cap Spartel, la grande attraction locale que l’on redécouvre avec le même plaisir renouvelé est sans conteste les grottes d’Hercule dont la légende fit le lieu de repos de cette figure mythique après la réalisation de ses 12 travaux. Capitale diplomatique du Maroc pendant plusieurs siècles, Tanger la mystérieuse, où la lumière du jour est unique, n’a-t-elle pas fait tomber sous son charme magique une brochette d’artistes et de personnalités de renom venus d’ailleurs comme Delacroix et Matisse et inspiré de grands écrivains à l’image de Paul Bowls, William S. Burroughs, Mohamed Choukri ou Jean Genet ? A portée du voyageur grâce à la ligne grande vitesse, le fameux Boraq, Tanger la cosmopolite n’a jamais été aussi proche. Accessible. Sans stress ni fatigue. L’offre touristique locale (avec ses composantes balnéaire et culturelle, loisirs et attraits naturels, hôtellerie et restauration) est tellement riche que l’on ne ressent franchement moins l’envie de traverser le détroit que d’en admirer la beauté depuis les multiples promontoires de la ville plus cosmopolite du Royaume.
Les visages d’une transformation réussie
Cheville ouvrière de la réhabilitation des trois sites de la médina (Place Bab El Marsa, Borj Dar El Baroud et Borj Enaam), qui a permis la refondation de la relation du port à la ville et partant contribué à embellir son visage, la Société d’aménagement pour la reconversion de la zone portuaire de Tanger (SAPT) a agi dans le cadre du programme de réhabilitation et de valorisation de l’ancienne Médina de Tanger (2020-2024) et de la préservation du patrimoine. Les visages de cette transformation ont pour nom Mohamed Ouanaya, Jamil Ouazzani, Driss Benabad et Rajae El Hannach, respectivement président de la SAPT, directeur marketing et de l’intelligence stratégique, directeur technique et chef de projet. Une dream team qui a été aidée dans son action par deux walis à l’efficacité redoutable, Mohamed Yacoubi et Mohamed Mhidia. Considérés comme de véritables jokers qui incarnent une autorité porteuse de résultat, les deux hommes se sont relayés comme walis de la région de Tanger-Tétouan-Al Hoceïma et de la région de Rabat-Salé-Kénitra, l’un complétant le travail mené au pas de charge par l’autre dans ces deux régions conformément à la haute vision royale. Profondément transformées, Rabat et Tanger sont la vitrine de ce Maroc moderne. Entreprenant. Tourné vers l’avenir. Et qui avance.
Gare aux embouteillages !
“L’attractivité de Tanger s’est visiblement accompagnée d’une augmentation sensible de la population et surtout d’une évolution du parc automobile, explique un élu. Pour une ville de taille moyenne, ces deux phénomènes s’ils ne sont pas maîtrisés risquent d’impacter son développement futur. “ D’où la nécessité de protéger éventuellement Tanger intramuros en transformant ses espaces historiques en piétonnières où seraient privilégiés la marche à pied et quelques moyens de locomotion plus écolos et adaptés au cachet touristique de la ville. Ce serait une solution judicieuse pour prévenir les embouteillages qui commencent déjà à étouffer la ville. Pour booster davantage la dynamique touristique locale, la ville gagnerait certainement à proposer des packages avec des tarifs préférentiels combinant hébergement, voyage en LGV et des billets d’entrée pour les sites historiques et autres lieux de loisirs.