Faut-il s’inquiéter du seuil critique atteint actuellement par le stock de sécurité des produits raffinés, sachant que le Maroc vit depuis plusieurs années avec un niveau de consommation de moins de 30 jours ?
Le stock de sécurité du Maroc en gasoil, le carburant le plus consommé et du non moins très utilisé gaz butane, à la date du 11 avril, est d’à peine 26 jours alors qu’il doit être de 60 jours selon la loi. La faiblesse est relative pour l’essence (43 jours) et 34 jours pour le kérosène. Ces données ont été révélées récemment par la ministre de tutelle Leila Benali devant la commission des infrastructures, de l’énergie, des mines et de l’environnement de la Chambre des représentants. Du coup, certains se sont inquiétés de l’insuffisance du niveau de sécurité des produits pétroliers. Mais ce qu’il faut savoir c’est que ce déficit n’a rien de conjoncturel; il est plutôt imputable à un problème structurel lié directement à l’insuffisance des capacités de stockage nationales. Pour le gasoil par exemple, les stocks disponibles à fin 2015 ne permettaient de couvrir, en moyenne, que les besoins de 24,1 jours de consommation. Il arrive que les stocks de divers produits pétroliers atteignent des seuils encore plus critiques n’excédant pas 10 jours de consommation pour certains mois. Visiblement, les agréments de nouveaux distributeurs distribués à tour de bras par l’ex-ministre de tutelle Abdelaziz Rabbah n’ont pas permis d’augmenter la capacité de stockage. Du coup, une question se pose : A quoi ont servi ces autorisations et quel était leur moteur réel?
Cela dit, l’arrêt d’activité de la Samir a certainement agi sur le stock de sécurité du fait de la non-utilisation de ses bacs de stockage d’une capacité d’environ 2 millions de tonnes. Par ailleurs, la faillite frauduleuse du raffineur de Mohammedia représente en cette période de tensions sur le marché international des hydrocarbures un risque supplémentaire sur la sécurité de l’approvisionnement du marché en produits pétroliers. Mais certains milieux notamment syndicaux qui s’appuient sur l’envolée spectaculaire des prix du Brut pour appeler à la reprise de l’activité de la Samir, qui revient régulièrement dans le débat public, racontent des salades. D’abord, on ne relance pas un outil de production à l’arrêt depuis près de 7 ans comme on redémarre un moteur en mal d’entretien. Trop compliqué comme processus. Les différentes installations de la Samir, raffinage et réservoirs, doivent être dans un état délabré avec des machines profondément attaquées par la rouille et probablement condamnées. Ce paramètre pose la question de sa fiabilité en tant qu’outil de production, ce qui expliquerait en grande partie les échecs multiples de nombreuses tentatives de cession à des soumissionnaires étrangers de l’entreprise en liquidation judiciaire depuis 2016. « Si seulement des investisseurs acceptaient de reprendre la Samir », avait déclaré Aziz Akhannouch lundi 18 avril dans le cadre de l’intervention mensuelle du chef du gouvernement devant les députés (voir encadré).
Et last but not least, l’État marocain ne peut rien faire tant que le CIRDI (Centre international de règlement des différends relatifs aux investissements), saisi en mars 2018 par l’ex-actionnaire principal défaillant de la Samir le Saoudien Mohamed Al Ammoudi via sa société Corral Holding Morocco, n’aura pas rendu sa sentence arbitrale sur ce dossier complexe. Homme des faillites frauduleuses par excellence, ce dernier ne désespère pas, après avoir roulé dans le fuel plusieurs banques de la place, l’administration des douanes et une flopée de fournisseurs, chouraver le Maroc de quelques milliards de DH au titre de dommages-intérêts qu’il réclame pour un prétendu préjudice du au recours de ses anciens clients, les distributeurs locaux, à l’importation des produits raffinés. Dans ce contexte marqué par le renchérissement des hydrocarbures, certaines voix, qui carburent au populisme, appellent à la renationalisation de la Samir qu’ils présentent comme la solution à la réduction des prix des carburants à la pompe. Mais de quelle Samir parlent-elles ?
Panne sèche au PJD
Une vive passe d’armes a opposé à l’hémicycle Aziz Akhannouch et les députés du PJD sur le sujet clivant du carburant. Sur un ton clair et ironique, le Premier ministre a commencé par rappeler que la libéralisation du marché des hydrocarbures est une décision prise par les islamistes en réponse à une accusation du chef du groupe islamiste Abdallah Bouanou selon laquelle le gouvernement a manqué de « transparence dans l’application des prix des carburants sur le marché national». Et M. Akhannouch d’enfoncer le clou en s’adressant directement à M. Bouanou : « Votre propos comporte beaucoup d’inexactitudes et de mensonges. Si votre objectif est la réintégration des carburants dans la caisse de compensation et lui réserver quelque 3 milliards de DH il faut que vous voyiez cela avec votre patron (Benkirane, NDLR) et revenir vers moi ensuite mais je ne pense pas qu’il soit d’accord ». Sur ces entrefaites, les élus islamistes, piqués au vif, se sont emportés en s’agitant et en gesticulant bruyamment sur les travées du Parlement avec prises de bec avec quelques députés RNI.
La stratégie pjdiste du chahut a empêché le Premier ministre d’aller jusqu’au bout de son argumentaire. M. Akhannouch a juste eu le temps de dire au sujet de l’accusation proférée par le PJD du gonflage par les distributeurs de leurs marges qu’il s’agit d’une “vieille rengaine“ islamiste. Celle-ci est une une fake news, aux allures de grosse manipulation, contenue dans un rapport rendu public en 2018 bourrée de contre-vérités et d’approximations réalisé par une mission parlementaire sur les prix des hydrocarbures, que le président d’alors de la Commission des finances et député-maire PJD de Meknès, Abdellah Bouanou, a fait fuiter dans certains sites électroniques inféodés au PJD. Objectif inavoué : fragiliser Akhannouch l’homme politique, aux yeux de la population en le présentant sous les traits d’un opérateur économique vorace qui s’est enrichi indûment aux dépens des Marocains. C’est cette rengaine que M. Bouanou et ses amis ont tenté, à la faveur de la flambée actuelle des prix des carburants, de ressortir pour mettre en difficulté le gouvernement et son chef. Incapable de trouver de nouveaux sujets d’opposition, le PJD souffre décidément d’une grosse panne sèche.