Secteur minier : Un laboratoire australien à la réputation sulfureuse s’installe au Maroc

La mine de Boumadine dans le sud du Maroc

L’Australian Laboratory Services (ALS) est au cœur d’une enquête en Australie pour falsification de données sur le charbon vendu par des entreprises d’exploration minière à travers le monde. Révélations.

Depuis février 2024, l’Australian Laboratory Services (ALS) opère  au Maroc via une filiale installée  à Casablanca. Cotée  à l’Australian  Securities Exchange, la bourse d’Australie, l’entreprise est spécialisée dans l’analyse géochimique et la préparation mécanique des minerais.  L’implantation au Maroc du géant australien  des laboratoires s’est faite  sur demande des dirigeants de Aya Gold & Silver. Le groupe canadien exploite une dizaine de mines dans le Royaume dont celle de Boumadine, située au sud de Tinghir non loin d’Errachidia. L’estimation des ressources minières (ERM), révélée par l’entreprise québécoise, fait état  d’un potentiel évalué à 23,6 millions de tonnes avec une concentration de 85 grammes par tonne pour l’argent, 2,62 grammes par tonne (or), 2,32% (zinc) et 0,84% (plomb). Ces estimations correspondent à environ 64,7 millions d’onces d’argent, 1,98 million d’onces d’or, 546.000 tonnes de zinc et 198.000 tonnes de plomb. Mais l’implantation de ALS sur ce site très prometteur  a  soulevé quelques inquiétudes dans les milieux des connaisseurs. Motif : la réputation quelque peu sulfureuse que traîne ALS en raison de son implication dans une série d’affaires de manipulation de données d’analyse.  Notamment en Corée du Sud où 5 entreprises publiques d’électricité ont saisi la justice en 2023  pour falsification des résultats de tests de charbon. 

Scandale

Ce qui s’est traduit concrètement  par une hausse artificielle des valeurs calorifiques et une dissimulation de  la véritable qualité du charbon exporté vers la Corée. Cinq filiales de Korea Electric Power Corp (KEPCO), la société publique d’électricité sud-coréenne, estiment dans leur plainte que cette action frauduleuse leur a causé de graves préjudices en termes de pertes financières et potentiellement sur le plan environnemental   en raison de l’importation de charbon de qualité inférieure à un prix trop élevé.  

Se faisant l’écho de ce scandale, l’Australian Financial Review avait révélé en février 2020 que la SLA avait délibérément modifié les résultats des certificats d’exportation de charbon pour les clients des sociétés minières. Certains laboratoires auraient rendu le charbon plus précieux en apportant des modifications telles que la quantité d’énergie qui serait rejetée lors de la combustion. 

Ne cherchant pas à nier  les allégations dont il est la cible, le laboratoire a joué la carte de la transparence à la suite d’une enquête diligentée en interne.  

Lors de leur audition, les dirigeants de ALS  ont déclaré aux investisseurs  que près de 45 à 50 % des certificats avaient été « modifiés manuellement sans justification » et que ces trucages durent  depuis environ 13 ans ! Les aveux de ALS ont fait l’effet d’une bombe dans le landernau minier local et même au-delà, soulevant bien  des questions sur la crédibilité de milliers de certificats délivrés par le laboratoire et  d’éventuelles complicités avec les entreprises d’exploration minière qui se sont attachées ses services.

Instance officielle rattachée au gouvernement australien dont le rôle est de garantir l’intégrité des marchés en   protégeant les consommateurs, les investisseurs et les créanciers contre, L’Australian Securities and Investments Commission (ASIC) prendra ensuite le relais. 

En réponse à une question des Verts au Sénat australien, les représentants de l’ASIC ont indiqué qu’ils ont mis ALS sous enquête pour  des affaires de fraude et de falsification potentielle de dossiers.

Ce scandale met en lumière les problèmes de transparence et d’intégrité dans les tests de qualité des matières premières, ce qui interroge sur la fiabilité des données livrées  et leur impact sur le commerce international.

Pour sa part, l’Agence britannique de lutte contre la criminalité grave (SFO) enquête sur ALS pour des allégations de corruption liées à ses activités en Afrique.

La nature exacte des allégations n’a pas été divulguée, mais elles pourraient concerner des pots-de-vin, des paiements illégaux ou d’autres formes de corruption. L’enquête est en cours et aucune accusation n’a encore été portée. Devant ces révélations troublantes, une question se pose : Les dirigeants Aya Gold & Silver ignorent-ils les pratiques peu éthiques de ALS ? Ils ont fait appel à son expertise dans quel domaine précisément ?  ALS est décidément une mine d’interrogations…