Un verdict en béton

Mohamed El Ouardi, PDG du groupe Bab Darna.

Le rideau est  tombé sur la plus grande escroquerie immobilière de l’histoire du Maroc. L’affaire Bab Darna et son cerveau qui a vendu des logements dans des complexes résidentiels fictifs a fait quelque 1400 victimes.

Le verdict est finalement tombé  dans le scandale Bab Darna, cette gigantesque  escroquerie immobilière dont le la tête d’affiche judiciaire est le président du groupe Mohamed El Ouardi.  Ce dernier a été condamné jeudi 12 janvier  à 15 ans de réclusion criminelle  par la cour d’appel de Casablanca pour participation à la falsification de documents officiels, escroquerie et émission de chèques sans provision. Ses coaccusés au nombre de 7 ont écopé, quant à eux, de peines oscillant entre 2 et 12 ans de prison. En dehors du notaire, les autres inculpés sont les proches collaborateurs de M. El Ouardi dans Bab Darna : le directeur général,  le directeur commercial, la directrice administrative et financière,  le directeur technique et le comptable.

Considéré comme la  plus grande escroquerie immobilière de l’histoire du Maroc autant par les sommes détournées que par le nombre des victimes, l’affaire éclate en 2019 lorsque plusieurs centaines clients de Bab Darna découvrent le pot-aux-roses: le caractère fictif des projets immobiliers commercialisés  par cette enseigne avec laquelle ils ont signé des contrats de réservation  de divers logements dans le cadre de la Vente en état futur d’achèvement (VEFA). Les victimes de El Ouardi  se sont retrouvées sur le carreau après avoir longtemps attendu la réception de leur bien (logement économique, moyen standing ou villa) qu’elles ont réservé contre des acomptes  substantiels dans des  projets situés à  Casablanca, Tamaris, Dar Bouazza, Deroua, Mohammedia, Ouarzazate, Agadir, Marrakech. Il s’est ensuite avéré  que ces complexes, près d’une douzaine,  n’ont aucune existence réelle et que  les  terrains n’appartiennent même pas à l’entreprise !  La seule chose vraie c’est les sommes d’argent faramineuses  empochées par l’escroc au titre des avances, estimées entre 400 et 700 millions de DH. Le procès qui s’est ouvert en avril 2021 a permis de lever un coin du voile sur la cachette du magot : Le Panama. Les fonds détournés auraient été investis par le promoteur indélicat dans ce paradis fiscal.

C’est la principale révélation de ce procès qui a duré trois ans. Mais aucune saisie n’a été possible pour permettre aux victimes de récupérer leur argent. Ces dernières se retournent contre l’Etat afin de se faire rembourser. «Nous, victimes, demandons à ce que toutes les parties et administrations impliquées dans cette affaire soient sollicitées. Nous n’étions pas partis de notre propre compte à la recherche d’El Ouardi. Nous avons regardé des publicités. Nous avons également rencontré les représentants de la société dans des salons de l’immobilier. Il y avait un notaire -notre garant de par la loi- et nous sommes même partis dans des administrations pour signer des documents. Toutes ces parties sont comptables de ce qui s’est passé», a déclaré une victime au site 360 à l’issue du prononcé du verdict.

Stratagème

Au Maroc, les escroqueries immobilières défraient régulièrement la chronique car il  n’y a pas plus facile que de gruger des gens désireux d’acquérir un logement. Il suffit juste pour cela de mettre au point un procédé plus ou moins ingénieux et le tour … du faux propriétaire est joué. C’est exactement ce qu’a fait cet ancien banquier qui se fait appeler « Sidi Mohamed » en misant essentiellement sur la communication via les réseaux sociaux et le relais précieux offert par certains sites électroniques. Rien de tel en effet qu’un immense tapage médiatique pour se faire connaître auprès du grand public et se construire une réputation sur le marché. La télé n’est pas en reste où ce promoteur peu scrupuleux a fait son apparition avec une publicité diffusée lors du ramadan en pleine rupture du jeûne. Une publicité montrant un chanteur qui fait en chantonnant la cour à sa future femme qui lui répond :  « Si tu veux me faire plaisir, achète-moi une villa à Bab Darna».

Parmi les victimes de El Ouardi figurent  plusieurs dizaines de Marocains de l’étranger qui ont mordu à l’hameçon lors de leur démarchage à l’occasion des salons SMAP Immo organisés notamment en France et en Belgique.  Proposer des prix alléchants défiant toute concurrence pour vendre le maximum de logements sur plan faisait partie aussi du stratagème Bab Darna Immobilier. Une de ses réclames vantait d’ailleurs un programme immobilier en ces termes : Votre villa de luxe au prix d’un appartement ! Entretenir l’image d’un bienfaiteur auprès de la population est un gage de générosité, de probité et de confiance. M. El Ouardi n’a pas hésité non plus à utiliser ce ressort  en organisant une opération de distribution de repas chauds et autres couvertures au profit des SDF de Casablanca. Une vidéo postée sur Internet montre une armada de jeunes préparant des barquettes affichant ostentatoirement le logo de Bab Darna sur le couvercle. Il faut bien que l’on connaisse l’identité de ce philanthrope qui se préoccupe du sort des accidentés de la vie.  Le Faux bienfaiteur et  vrai escroc a tout loisir pour méditer dans sa cellule sur son triste sort.

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