Bon musulman cherche sa moitié ! (8)

Abdelaziz gara sa voiture à quelques mètres de l’immeuble de bureaux où travaillait son amie Laila, tout heureux de trouver une place de libre, à cette heure de la journée…. Il avait à peine coupé le moteur de sa voiture que le gilet jaune de service était là, tenant un seau d’eau d’une main et une peau de chamois fatiguée de l’autre… C’était un grand gaillard malingre, aux dents gâtés et à l’air pas très engageant… Le genre de spécimen qu’on n’aimerait pas croiser, la nuit tombée, dans une ruelle déserte !

– Salam aleikoum, khouya. Tu veux que je lave la voiture ? Nthalla fiha, koun hani » !

Tout en parlant, le gars avait posé son seau et commençait déjà à relever les essuie-glaces de la voiture, comme si la cause était entendue !

– Non, choukran, j’attends quelqu’un, et je ne compte pas rester bien longtemps ! Et merci de remettre les essuie-glaces en place ! D’ailleurs, tu vois bien que je viens juste de la faire laver ! Ce sera pour une autre fois, inchallah » !

– C’est comme tu veux,  khouya l3ziz ! Mais tu sais que c’est une place réservée à une « personnalité » ? Il va falloir me laisser les clés parce qu’il pourrait arriver d’un moment à l’autre…  Makhesna machakil » !

Abdelaziz répondit sur un ton las qu’il n’en avait que pour quelques minutes, qu’il ne comptait pas descendre de sa voiture, et que de toute façon, il n’y avait aucune signalisation interdisant le stationnement à cet endroit… Le gilet jaune s’éloigna en maugréant contre ces parvenus qui se prennent pour des bourgeois parce qu’ils portent une cravate à 20 DH, alors qu’ils croulent sous les crédits, et rechignent à vous remettre une malheureuse pièce de monnaie, sous prétexte qu’ils ont pris leur billet à l’horodateur !  

Abdelaziz consulta sa montre… Laila devait descendre d’une minute à l’autre, et il en était tout ému. Ce n’était pas le moment de déclencher les hostilités avec le gilet jaune qui, visiblement, n’attendait que ça pour ameuter tout le quartier. Il lui donnerait une ou deux pièces en partant, ça le calmera !  Surtout qu’il comptait revenir régulièrement récupérer sa promise pour de futures balades en amoureux dont il se réjouissait à l’avance… Donc, pas question de se le mettre à dos !

Laila allait découvrir sa belle voiture pour la première fois… Il l’avait fait laver au garage, moteur compris, en perspective de cette grande occasion ! C’était donc la première fois que Laila allait la voir, et surtout monter dedans… D’ailleurs, en dehors de sa mère et de ses deux sœurs, aucune femme ne s’y était aventurée à ce jour… Question de principe pour Abdelaziz, une femme bien élevée n’ayant rien à faire dans la voiture d’un étranger… Mais étranger, Abdelaziz ne l’était désormais plus pour Laila !

Il s’était aspergé de parfum… Un parfum musqué, en provenance des lieux saints, que lui avait offert un ami fort pieux, commerçant de son état, à son retour d’Al Omra… Abdelaziz se regarda dans le rétroviseur, et remis en ordre ses cheveux en y passant un petit coup de peigne. Il sourit à l’image de l’homme avenant que lui renvoyait la glace, satisfait du résultat… Ah, si son fquih le voyait, il l’aurait certainement réprimandé pour ces manifestations de coquetteries qui ne siéent guère à un bon musulman!

– Coucou, tu m’ouvres, s’il te plait » ? Laila était déjà là, tapotant sur la vitre de la voiture, un grand sourire aux lèvres…

Abdelaziz s’exécuta précipitamment, et Laila s’installa à ses côtés, en s’excusant de son léger retard.

– Alors, tout va bien ? Tu étais en train de te refaire une beauté » ? Et de lui tendre sa joue, sans façons… Il faut dire que lors de leurs dernières rencontres, Laila avait systématiquement pris l’initiative de le saluer par une double bise, naturellement et sans façons ! Même qu’une fois, un bisou avait atterri sur la commissure de ses lèvres, et qu’il en était resté tout retourné !

– Euhhh, non, pas du tout… J’avais quelque chose dans l’œil…

– Il n’y a pas de mal, tu sais ! Alors, c’est le grand jour ? Tu vas enfin me faire découvrir ce grand restaurant turc que tu m’as tant vanté ?

– Tout à fait ! Moi-même, j’y ai déjeuné plusieurs fois avec Slimane, mon ami… C’est lui qui me l’a fait découvrir…

– Super… Le principal, c’est qu’on y mange ensemble… Et tu sais, même un simple fast-food aurait fait l’affaire ! D’ailleurs, Nadia, ma collègue, m’a beaucoup taquiné là-dessus en prétendant qu’en fait de grand restaurant turc, c’était certainement un fast-food libanais ! Mais pas de souci, j’adore les kebabs ! Et j’adore ta voiture aussi !

– Elle n’est plus de première jeunesse, mais c’est du solide ! Par contre, pour stationner, c’est la croix et la bannière !

– Hé bien, tu changeras bientôt pour une voiture plus petite… Cela suffira à notre bonheur ! Mais tu me promets de me laisser choisir la couleur ?

– Promis, juré, tant que tu me promets que ce ne sera pas du rose bonbon » !

Le gilet jaune était à nouveau là… Il salua Laila d’un geste de la main, et esquissa un sourire qui se voulait complice… Laila lui rendit son sourire gentiment, et lui tendit une pièce de dix dirhams, en lui disant de garder la monnaie… Abdelaziz, quant à lui, était toujours en train de traquer une pièce de monnaie récalcitrante qui s’était réfugiée au fin fond de sa poche trouée, qu’il se promettait à chaque fois de faire recoudre pas sa sœur…

Le gilet jaune se confondit en remerciements, tout en faisant témérairement rempart de son corps pour arrêter la circulation, et leur permettre de démarrer ! Ce que fit aussitôt Abdelaziz, un peu confus de ne pas avoir réglé lui-même le gilet jaune, et se disant, in petto, que Laila avait placé la barre un peu haut pour l’avenir, avec ses dix dirhams ! (A suivre)

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