Le mot « falaqa » désigne une punition infligée aux enfants dans les écoles coraniques. Les parents confient leurs petits au fkih (savant, lettré) qui gagne sa vie en récitant le coran par cœur. Il leur apprend à écrire l’arabe et à réciter par cœur les 60 parties du Coran. Pour punir un élève, le fkih fait appel à un autre élève, généralement plus âgé et/ou plus costaud pour tenir la victime à punir en lui présentant la plante de ses pieds. Le costaud tient le jeune élève dans ses bras, pendant que le bâton du Fkih s’abat sur la plante des pieds du supplicié plus ou moins longtemps selon le courroux du maître.
Dans les campagnes des années 1970, lorsque le père confiait son môme de 4 ou 5 ans au fkih, il lui donnait comme consigne « toi tu tapes ici et moi je tape à la maison». Enfants, on apprenait par cœur les versets coraniques sans en connaître le sens. Car c’est de l’arabe du VIIème siècle et que nous autres, Nord-africains, on baragouine une harira infâme, pudiquement nommée « darija », qui est en fait une lasagne très low-cost faite de superpositions de couches des langues berbère, arabe, espagnole et française mal prononcées. C’est à l’école primaire, à l’âge de 6-7 ans que les mômes apprennent l’arabe académique : le « boulissi » est en fait un « chorti » (policier), la « bachklita » est une « darraja » (bicyclette) et la « tomobila » une « syarra » (automobile). Le fkih, vers 14 heures, somnolait car il était submergé par une vague alcaline postprandiale. Son peu d’énergie et son sang étaient mobilisés au niveau de son estomac occupé à brasser le tajine d’agneau aux pruneaux bien arrosé de petit-lait (leben) que nos parents nous chargeaient de lui offrir en cette sainte journée du vendredi. Nous autres élèves, accroupis, sous la chaleur étouffante de l’été, ânonnions à haute voix ce verset coranique « wa tini, wa zaytouni, wa tori sinina, la hada baladi amini ».
Ça rimait bien, ça berçait le sommeil du fkih… Il ne fallait surtout pas s’arrêter d’ânonner à haute voix, dès que le volume sonore baissait, ça le réveillait et c’était la falaqa qui nous pendait aux plantes des pieds. Comme nous étions des chenapans, ça nous amusait d’ânonner le verset coranique comme ceci sans que le fkih s’en rende compte « wa nini, wa naynouni, wa noni ninina, la nana nanani anini ». Autant « wa tini », certains d’entre nous, pas tous, comprenaient qu’il s’agissait du figuier musulman (karmousse mssalmine) par opposition aux cactus de barbarie nazaréens (karmousse n’ssara). « Wa zaytouni », on comprenait tous qu’il s’agissait de l’olivier (Zemmour en berbère) … Mais le « tori sinina », on n’a jamais compris de quel fruit il s’agissait ? Sinina, c’est proche de « snina » (petite dent) ou bien du mot arabe « sinine » (années au pluriel) … Des années plus tard, lorsque nous avons enfin maîtrisé la langue de Molière et avons eu accès à la version traduite en français du Coran, nous avons enfin compris que « tori sinina », c’était le « Mont Sinaï » … Le Mont Sinaï fait clairement référence à la Péninsule égyptienne du Sinaï… Outre le mot « falaqa », ci-dessous une liste non exhaustive de mots d’origine arabe :
Fakir : فقير fakir, « pauvre ».
Falaqa : فلقة falaka ; punition infligée aux enfants dans les écoles coraniques.
Falaque : فلق falake, instrument de supplice.
Fantasia : فروسية, foroussia, équitation
Farde, fardeau : فرد farde ; balle contenant des marchandises, utilisée sur les animaux de bât.
Fatwa : فتوى fatwa, avis juridique donné par un dignitaire religieux « musulman » (Ayatollah, mufti…).
Felouque : فلوكة faloka ; barque à voile.
Fennec : فنك fanāk : petit renard du Sahara.
Fez فأس fasse : chapeau tronconique généralement de couleur rouge traditionnellement fabriqué dans la ville de Fès au Maroc appelé aussi tarbouche ou chéchia.
Fissa : في ساعة fi saâa ; dans l’heure ; vite ; dépêchez-vous !
Flouze, flouse, flous : فلس fals فلوس flousse : argent, fric, coquillage, sou, obole.
Foggara : فجارة fajara ; système d’irrigation.
Fondouk, fondique, fondic : فندق fondoke; hôtel. (À suivre)