Chassez le Naturel !

Lhaj Miloud est en rogne aujourd’hui… Comme d’habitude, rétorqueront certains, à l’esprit mal tourné ! Une personne, arrivée bien après lui, s’est vu attribuer le numéro 17, alors que Lhaj a hérité du 35… Le 36 aurait sans doute été plus approprié, tant le scénario qu’il a vécu cette semaine, dans sa quête de la troisième dose du vaccin anti-covid, est flippant !

Oui, Lhaj Miloud, après moult tergiversations, a fini par franchir le pas et décidé d’obtempérer aux appels réitérés des autorités sanitaires à rejoindre le bataillon des « triplants », les vétérans appelés pour la troisième fois au front ! Il faut dire que le pass étant devenu obligatoire pour accéder aux administrations et autres lieux publics, il n’avait pas trop le choix…

C’est donc à huit heures tapantes qu’il s’est présenté à son centre de vaccination (devenu) habituel pour trouver, à sa grande surprise, porte close… Pas un chat, ni même le moindre gardien ou agent de sécurité ! Pourtant, le communiqué du ministère de la santé, en date du 24 juillet, clamait haut et fort que les centres de vaccination anti-Covid-19 seraient dorénavant ouverts tous les jours… Et jusqu’à 20 heures, s’il vous plaît ! On peut toujours rêver !

Lhaj Miloud, faisant contre mauvaise fortune bon cœur, a hélé un taxi pour aller vers un autre centre… Pendant le trajet, le chauffeur lui a indiqué qu’il n’y en avait que quelques-uns, qui se comptaient sur le bout des doigts, à assurer une permanence le week-end… Et qu’il se faisait fort de lui en trouver un, un peu éloigné, certes, mais où il y avait peu de monde en général, de si bon matin… Un quart d’heure plus tard, le prévenant chauffeur déposait un Lhaj Miloud reconnaissant devant une école primaire reconvertie en centre de vaccination, où s’agglutinent quelques personnes encore mal réveillées… Après avoir réglé sa course et gratifié son bienfaiteur d’un généreux pourboire, Lhaj Miloud rejoint la foule des personnes qui attendaient dans le froid matinal…

Dix minutes plus tard, le temps pour Lhaj Miloud d’échanger les civilités d’usage avec ses voisins, un agent de sécurité arrive et tambourine à la porte de l’école… Lhaj Miloud en profita pour lui demander à quelle heure, le centre ouvrait, à quoi le gars répondit que c’était à 8 h 30, « normalement ». Bonne précision et toute de sagesse, tant la normalité est un concept anormal dans nos contrées. Plus que dix minutes à patienter, donc ! 8h30, la porte est toujours fermée… Quelques nouveaux arrivants viennent grossir les rangs des prétendants au vaccin… 8H45, un vieux bonhomme arrive à vélo… Il s’arrête devant l’entrée du « centre-école » et dévisage les gens, le regard sévère…

– Inutile d’attendre, « ils » ne travaillent pas le samedi !

Quelqu’un lui fit remarquer que son prédécesseur, le gars de la sécurité, nous avait affirmé que le centre ouvrait bien le samedi, à 8h30 précise.

– « Kayna », mais en semaine seulement ! Ce type est un nouveau, il ne connaît pas le règlement.

A un audacieux qui lui fit remarquer qu’il aurait été plus logique d’afficher les jours et horaires de vaccination, le vieux gardien rétorque, en le foudroyant du regard, que c’était le cas et que quelqu’un avait dû arracher l’affiche… Et de prendre la foule à témoin, en montrant les traces de scotch encore visibles sur la porte…

– Mais vous pouvez tenter votre chance au quartier Bourgogne… Il paraît qu’il y a là-bas un centre ouvert 7 jours sur 7, « wallahou a3lam » !

Les gens se dispersent en maugréant et Lhaj Miloud jette l’éponge, estimant plus prudent de retenter sa chance le lendemain, en retournant à son centre de prédilection. Et voilà comment il s’est retrouvé avec son numéro 35, et une personne qui passait avec lui, bien qu’arrivée une heure plus tard ! Il faut dire que c’était une étrangère, puisque le préposé au ramassage des cartes s’est adressé à elle, à son arrivée, dans la langue de Molière… Enfin, approximativement ! « Assis-toi, madame, assis-toi ! ». A sa décharge, le gars a des circonstances atténuantes… On lui a toujours dit que le sens de l’hospitalité légendaire marocain devait primer et qu’on avait une réputation à défendre ! D’ailleurs, personne n’avait réagi à ce traitement de faveur… Le sens de l’hospitalité, je vous dis ! L’infirmier réapparaît, une pile de cartes nationales en main… Il appelle une dizaine de personnes à qui il demande de s’installer à l’intérieur du bâtiment. Lhaj Miloud prend son mal en patience et se replonge dans son smartphone avant que l’homme à la blouse blanche ne se manifeste à nouveau… Bizarrement, Lhaj ne faisait toujours pas partie des heureux nominés contrairement à d’autres personnes, arrivées bien après lui… Lhaj Miloud, qui n’était pas dans son meilleur jour, se dirige vers l’infirmier pour lui faire part de son étonnement… Et celui-ci, après avoir farfouillé dans des cartes qu’il avait mises de côté pour des raisons mystérieuses, sort enfin la sienne et lui dit avec aplomb qu’il n’avait qu’à ouvrir ses oreilles par ce qu’il avait été appelé à plusieurs reprises, mais en vain… Lhaj Miloud reste de marbre, refusant de céder à la provocation… Il alla placidement s’asseoir dans une chaise qu’on lui désigna… Son tour arriva quelques minutes plus tard… L’infirmière-hôtesse le salua poliment et lui demanda d’ajuster son masque, ce qu’il fit en faisant cependant remarquer qu’il avait déjà été vacciné deux fois et qu’il se portait comme un charme… Ce à quoi elle répondit, du tac au tac, qu’elle-même avait attrapé la covid-19 en dépit de ses deux doses… Lhaj Miloud faillit répondre que c’était certainement en raison de la qualité douteuse des vaccins utilisés mais il se retint, ne voulant pas aggraver son cas !

– Pfizer ou Sinopharm ? lui demanda la dame en tapotant sur son clavier.

– Astrazeneca, s’il vous plaît !

– Non, vous avez déjà reçu deux doses d’Astrazeneca. Il faut « panacher » pour plus d’efficacité, trancha l’infirmière sur un ton qui n’admettait pas de réplique.

Lhaj Miloud avala cette nouvelle couleuvre et se dirigea vers la pièce prévue pour les « sinopharmistes »… Dix minutes plus tard, il en ressortait avec une nouvelle dose prestement administrée par une jeune personne, au visage fermé, qui lui recommanda de patienter quelques minutes dans la salle d’attente avant de quitter les lieux, précautions d’usage oblige… Lhaj se dirigea droit vers la sortie en ignorant ostensiblement ces sages conseils… Il faut dire que, plus que jamais, il avait la désagréable impression de servir derechef de cobaye ! Les deux premières fois pour tester l’efficacité d’Astrazeneca et cette fois-ci pour évaluer les effets secondaires éventuels du fameux « panaché vaccinal » ! Mais le plus désagréable dans cette histoire, c’est le contraste flagrant qu’il a relevé entre l’organisation sans faille qui avait prévalu lors des deux premières injections et le laisser-aller manifeste de la troisième ! Comme quoi, chassez le naturel, il revient au galop !

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