La promotion représente une lueur d’espérance que l’on nourrit pour supporter les tribulations du métier et de la vie. Souvent, elle ne tient qu’à quelques papiers signés qui la réduisent à une rhétorique bavarde tant recherchée. Bref, le mot promotion est devenu trop chargé de connotations pernicieuses.
Ça ressemble finalement à une arène où tout le monde cherche à survivre. Tout est question de grade et d’argent. Plus vous êtes gradé(s), plus vous pourrez faire la grosse tête. Chacun essaie de se donner une longueur d’avance, mais à vrai dire le plaisir n’y est pas ; on le fait par obligation. C’est comme ces oiseaux qui volent pour chercher de la nourriture ou migrer ; ils ne volent jamais pour le plaisir.
Dans cette arène, voici la trinité, ou triade, fatale et composite dont les éléments fondateurs sont considérés comme substantiellement – et non essentiellement – distincts les uns des autres : PA (professeur assistant), PH (professeur habilité), PES (professeur de l’enseignement supérieur). Des étiquettes graduelles pour désigner des profils variables où chacun, tel un gladiateur, est tenu de se blinder contre les autres.
A vrai dire, l’un est mieux rétribué que l’autre. De plus, l’un se prend la tête avec l’autre, l’un ne ‘pife’ pas l’autre : la cohabitation est douloureuse, parce que sournoise et hypocrite. A chacun sa grosse tête ou sa petite tête.
L’un talonne l’autre qui cherche à creuser l’écart pour ne pas être rattrapé. PA, lanterne rouge, met le paquet et parvient à rattraper PH qui met le turbo et arrive lui aussi à s’échapper et à rattraper PES, lequel enfonce le clou et réclame plus de prérogatives (grade D) pour les distancer. Le bouquet, c’est quand les deux derniers louveteaux, imbus d’ambition, s’exposent aux humeurs capricieuses et atrabilaires de messire PES qui risque de pester et de conjurer contre eux lors des échéances promotionnelles (Habilitation et Passage).
C’est de cette manière-là que nous nous cachons derrière la façade de la promotion matérielle et que nous insultons notre intellect. Voilà le genre de souci ‘chiant’ qui nous déconcentre de l’essentiel et qui va nous ‘emmerder grave’ et ‘bousiller’ nos rapports jusqu’à la fin de notre carrière.
A quoi sert d’être PES, surtout pendant plus de 10 ans ? Le raisonnement d’autrefois stipulait qu’il fallait se prémunir contre les autres, c’est-à-dire d’éventuels PES potentiellement comminatoires. Une fois tous immunisés, ils ne présentent plus un danger les uns pour les autres (les loups ne se mangent pas entre eux). Les autres (PA et PH), en position de hors-jeu, se la coulent ‘aigre’. Une fois élus, eux-aussi raisonneront peut-être de la même manière, mais avant cela, ils devront subir et supporter les humeurs erratiques, mais conciliantes, de leurs prédécesseurs.
Les petits calculs (4 ou 6 heures), associés aux vicissitudes du métier (« nous sommes fatigués », disait un futé, « nous travaillons gratuitement, disait un autre »), et truffés de ressentiments motivés par une émulation effrénée et déclarée (« il/elle est devenu(e) PES comme nous ?? »), sont proclamés préceptes moraux. Vous, créatures imbues d’ambition, désengrenez vos prétentions, même légitimes, acculez-vous à l’atrophie intellectuelle et, surtout, ne heurtez pas la sensibilité de messire PES, qui fait partie des types à grosse tête.
Avec l’exclusivité du rendement qu’elle détient – soi-disant de la recherche scientifique –, sa seigneurie, PES, énonce ses théorèmes devenus comme une chanson, ou une histoire, à dormir debout et conjure contre le louveteau de peur qu’il ne soit un jour loup avec les loups. Tout le monde est conscient que beaucoup ont une capacité stupéfiante à maquiller leur réalité et qu’une connivence mandarinale s’est installée sournoisement pour ritualiser les nouvelles normes. Certains parlent de médiocratie, d’autres disent que c’est plutôt de la méritocratie. A vrai dire, nous faisons les choses sans trop de conviction. Ça ressemble un peu à ces filles de joie qui tapinent pour de l’argent, mais pas pour l’orgasme.
Nous sommes tous supposément esclaves de quelque chose – PES par exemple – qui est totalement séparée de notre nature, mais la plus grossière erreur, c’est de penser que la valeur d’une personne se mesure à son galon ou à son grade, parce qu’un galon, ou un grade, peut être aussi utile qu’une cuillère dans la soupe et aussi inutile qu’une fourchette dans le sucre.