Khouribga, une ville française… (20)

En 2020, nous célébrons le centenaire de la fondation de la ville de Khouribga. A Mnina, où quelques familles vivent regroupées autour d’un point d’eau au nord de l’actuelle ville de Khouribga, Benji, le Seigneur de la bourgade, reçoit son beau-frère et père de sa nièce Claire, « Ben L’oriental » commerçant de tissus itinérant de souk en souk qui a toujours des tonnes d’histoires à raconter. Il lui résume la fin du règne du Sultan Abdelaziz.

Depuis 1902, l’homme à l’ânesse, Bouhmara, prétendait être le frère aîné du sultan Abdelaziz et l’héritier légitime du trône. Cet homme est comme l’actuel Donald Trump des Etats Désunis d’Amérique : plus la fake news est grosse, plus ça passe ! Bouhmara a réussi à « Trumper » les Rifains. Il s’est enrichi en vendant des concessions minières dans le Rif aux Espagnols et s’est payé un Magasin parallèle et rival du Makhzen du Sultan. Son commerce avec l’Europe lui a permis d’importer des armes et de financer une armée dans le Rif et l’Oriental. Son marketing politico-religieux est tellement efficace qu’il a réussi à se faire passer pour le messie attendu (المهدي‭ ‬المنتظر Mehdi en arabe). En soutenant cet imposteur à l’ânesse, les Rifains cherchaient en fait Mehdi à 14 heures. Du côté de Tanger, un autre type, Raissouni pour les uns, Raissouli pour les autres, brigand, voleur et pirate barbaresque dans Bled Makhzen ou combattant, héros et chérif dans Bled Siba… (Cela dépend des médias de l’époque !), prétend lui aussi descendre de Mahomet.

C’est fou ce que Hassan et Hussein, les deux petits-fils du Prophète, ont engendré comme chérifs ! Raissouli/Raissouni a fondé un gang près de Tanger pour kidnapper les Nazaréens, dont un américain d’origine grecque: Perdicaris. Il réclama 70 K$ à Roosevelt !  En pleine période électorale, Roosevelt sauta sur l’occasion pour se faire mousser, décida de profiter politiquement de la situation et envoya ses marines au Maroc pour forcer la main au jeune sultan Abdelaziz, avec la fameuse déclaration « I want Perdicaris alive or Raisuli dead ! ». En 1975, Hollywood a financé un film « The Wind and the Lion » qui met en scène cette affaire Perdicaris. Le sultan Abdelaziz est interprété à l’écran par Marc Zuber et Raissouni/Raissouli est incarné par Sean Connery, s’il vous plait ! Le compte à rebours s’accélère pour le jeune sultan Abdelaziz : le 19 mars 1907, à Marrakech, Émile Mauchamp, un médecin français, est assassiné par la foule. Dix jours plus tard, « Jnaynar Lotti » prend sa mort comme prétexte pour envahir Oujda depuis l’Algérie.

En mai 1907, les féodaux du sud marocain, dirigés par Glaoui, invitent Abdelhafid, un des frères du sultan Abdelaziz, à Marrakech. Le mois d’août suivant Abdelhafid est proclamé sultan à la place de son petit frère. Le même été 1907, la belliqueuse tribu des Chaouias demande le renvoi des officiers français de la douane, l’arrêt immédiat de la construction du port de Casablanca et la destruction du passage à niveau au-dessus du cimetière de Sidi Belyout. Ils provoquent une émeute à Casablanca en appelant au « jihad » (guerre sainte en arabe) contre les « Nssara » (Nazaréens). Des cheminots européens sont tués.

La France bombarde et occupe Casa Port. En septembre, Abdelaziz arrive à Rabat en provenance de Fès et s’efforce d’obtenir le soutien des puissances européennes contre son grand frère Abdelhafid. De la France, il accepta le grand cordon de la Légion d’honneur et fut plus tard autorisé à négocier un emprunt. Cela a été considéré comme un penchant pour le christianisme et a suscité une nouvelle opposition à son règne.  Le sultan Abdelaziz a par la suite mené une vie sociale très active. (A suivre)

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