Khouribga, une ville française… (26)

En 2020, nous célébrons le centenaire de la fondation de la ville de Khouribga et celle de l’OCP, l’Office Chérifien des Phosphates voulu par Lyautey. Jnaynar Lotti comme le nomment les indigènes des Ouled Abdoun, en signant le décret du 27 janvier 1920, est conscient du caractère exceptionnel de l’Office, prononcé « Loufisse » par les autochtones, et décide d’en confier l’exploration et l’exploitation au seul « Magasin » (ma5zen) afin d’éviter la rapacité libérale du secteur privé.  Au cours de l’hiver 1903-1904, il fait connaissance avec les traditions berbères. Ce qu’il découvre l’enchante, il installe un camp à 80 km d’Oujda. Les politiciens parisiens lui ordonnent de se replier en Algérie ; il refuse et met sa démission dans la balance. Sur fond de crise ministérielle (car les politiciens des Affaires étrangères sont vent debout et réclament sa tête), ils finissent par admettre la solution proposée par Jnaynar Lotti : ajouter à ses forces un détachement marocain pour faire passer l’amertume de la pilule aux Politiciens.

Après la conférence d’Algésiras, Jnaynar Lotti est nommé à la tête de la division d’Oran en 1907. Sur ordre de Paris, il occupe Oujda, puis réprime un soulèvement des Beni Snassen et parvient à pacifier la zone frontière. Début 1908, les tribus se sont soulevées au Maroc à l’instigation du Sultan Hafid qui venait de chasser du pouvoir son petit frère Abdelaziz avec l’aide de la famille Glaoui. Le chef du gouvernement français, Clemenceau, qui n’aime pas trop Jnaynar Lotti, l’envoie en mission sur place. À son retour, Clemenceau lui demande d’attendre avant de procéder à l’évacuation de Settat. Jnaynar Lotti explique au chef du gouvernement l’importance de cette position. Clemenceau, subjugué, cède et annule l’ordre d’évacuer Settat. En novembre 1911, L’Empire germanique fait le coup d’Agadir, la France négocie un accord avec l’Allemagne et le ratifie en janvier 1912. On ne doit plus traîner pour établir le protectorat car les tribus se sont soulevées quand le sultan Hafid a confié le poste de grand vizir à la famille Glaoui. La révolte continue et les troupes françaises ont bien du mal à la contenir. En mars 1912, la France fait signer à Tanger au sultan Hafid un traité de protectorat, en échange d’un appui de la France contre les dangers qui pourraient le menacer. Ce traité reconnaît implicitement la souveraineté du Sultan. Son rôle se limite à signer les décrets lois.

Le maintien de l’ordre, la défense, les finances, les relations extérieures lui échappent. En avril de la même année, une révolte des troupes marocaines à Fès oblige le gouvernement français à nommer Jnaynar Lotti premier résident général de France au Maroc. Il va débarquer à Casablanca le 13 mai 1912 et fonce aussitôt vers la capitale Fès, où il doit rencontrer le sultan Hafid. Arrivé à Fès, il trouve une ville en révolution et s’attend au pire, car une attaque des tribus est imminente. Ses officiers réussissent à desserrer l’étau et à mettre en fuite les tribus. Jnaynar Lotti n’aime ni Fès, ni les Fassis. Il ne se sent pas en sécurité dans cette ville et décide alors de changer la capitale du Maroc: il opte pour Rabat ! Une ville sympathique, ouverte sur l’océan, verdoyante et disposant de larges espaces, rien à voir avec Fès, minérale, resserrée dans ses remparts pleins de Fassis et très enserrée dans les montagnes. Le Sultan Hafid traverse une crise de dépression. Jnaynar Lotti finit par le faire abdiquer au profit de son demi-frère Youssef avant de le faire exiler en France. Jnaynar Lotti va confier le management de la Supply Chain du Magasin (Ma5zen) au grand vizir El Mokri qui va rester en poste jusqu’à la veille de l’indépendance du Maroc en 1955. (A suivre)

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