Khouribga, une ville française… (31)

Nous célébrons le centenaire de Khouribga et de l’OCP, l’Office Chérifien des Phosphates voulu par Lyautey. Jnaynar Lotti, comme le nomment les indigènes des Ouled Abdoun, en signant le décret du 27 janvier 1920, est conscient du caractère exceptionnel de l’Office, prononcé « Loufisse » par les autochtones, et décide d’en confier l’exploration et l’exploitation au seul « Magasin » (ma5zen) afin d’éviter la rapacité du secteur privé.  

Pour Lyautey, le Protectorat représentait LA solution car il respectait les Marocains. Selon lui, les traditions n’empêchent pas le progrès. Le Maroc garderait sa personnalité et son originalité propres : « le Maroc est un protectorat, et ce n’est pas une formule théorique et de transition, mais une réalité durable ! La pénétration économique et morale d’un peuple, non par l’asservissement à notre force ou même à nos libertés mais par une association étroite dans laquelle nous l’administrerions dans la paix par ses propres organes de gouvernement, suivant ses coutumes et ses libertés à lui ».

Lyautey restait souple, conforme à son temps, aux circonstances et au milieu dans lequel il évoluait. Il a toujours été prêt à changer d’orientation et de stratégie. Ce management participatif de la chose publique était en avance sur son époque et se heurtait à celle des politicards français bien ancrés dans leur siècle, et qui considéraient LEURS colonies comme le fait Israël de nos jours, en 2021 : de simples points stratégiques pour maintenir un état de déséquilibre entre deux populations culturellement, socialement, religieusement et économiquement aux antipodes. État de déséquilibre condamné à long terme. La nature a horreur des déséquilibres, car leur maintien coûte très cher en énergie. Les administrateurs Français de l’Algérie étaient farouchement hostiles à Lyautey. De nos jours, en 2021, la mafia algérienne qui vampirise ce pays depuis 1960 est toujours aussi anti-marocaine. Ces mafieux resteront toujours hostiles au Maroc, car ce pays est un miroir grossissant de leur cuisant échec ! Ces mafieux sont, entre-temps, devenus plus bronzés que leurs anciens maîtres, les Gros Colons Pieds Noirs, qu’ils miment en 2021 après les avoir remplacés en 1960 poste par poste pour mieux exploiter le petit peuple « dzayri ».

Les Gros Colons Pieds Noirs reprochaient déjà à l’époque à Lyautey, tout au long de sa carrière, sa politique trop marocaine et sa conception d’un « Royaume Arabe » aux dépens de la colonisation française pure et dure. Ils ne voulaient pas de la restauration d’un Etat protégé, ni d’une œuvre de respect et d’amitié. Ils ne voulaient pas que Lyautey renforce l’autorité du Sultan, ni celle du Magasin (Ma5zen). Ils ne voulaient pas que toutes les mesures de gestion administrative soient prises au nom du Sultan sous forme de dahirs (Décret-loi). Or à partir de 1921, tous les jours, une équipe de liaison, entre le Magasin et Lyautey, mettait le Sultan au courant des affaires. Lyautey a aussi ménagé la susceptibilité des grands « Caïds », des seigneurs féodaux qui ont droit de vie et de mort sur d’immenses territoires qui échappent au Magasin et à l’autorité du Sultan : Glaoui, Goundafi, Mtougui, Charradi… A l’époque, la fonction stratégique de « Caïd » s’héritait de père en fils. Ces Caïds étaient tous très puissants. Prudent, Lyautey préféra garder cet ordre et leur laisser leurs prérogatives. Les affronter aurait coûté trop cher en énergie et en vies humaines. Il usa d’autres moyens : la diplomatie, les cadeaux, la menace. Ces Caïds ont vite compris tout l’intérêt qu’ils avaient à accepter sa tutelle.

A Khouribga, Ahmed Charradi, fils du Caïd de la région de Ouardigha, est sommé de remplacer son frère aîné mort assassiné dans un mystérieux attentat. Le désormais « 9ayd Charradi », comme le nomment les Ouled Abdoun, va subir l’influence de Bouch3ayb Doukali et opte pour un islam pur et dur. Il participe à de nombreuses 7arka (guerres entre tribus voisines dissidentes de Bled Siba) et voit d’un mauvais œil Lyautey et ses réformes.(A suivre)

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