Khouribga, une ville française… (40)

Nous célébrons le centenaire de Khouribga et de l’OCP, l’Office Chérifien des Phosphates voulu par Lyautey. « Jnaynar Lotti », comme le nomment les indigènes des Ouled Abdoun, en signant le décret du 27 janvier 1920, est conscient du caractère exceptionnel de l’Office, prononcé « Loufisse » par les Autochtones, et décide d’en confier l’exploration et l’exploitation au seul « Magasin » (ma5zen) afin d’éviter la rapacité du secteur privé. La découverte fortuite des phosphates chez les Ouled Abdoun, faite en 1917, à l’occasion des travaux de la ligne de chemin de fer Casablanca/Oued-Zem, va booster l’économie du Maroc. En réaction à la nomination de Pétain pour mettre fin à la guerre du Rif menée par Khattabi, Lyautey démissionne. L’aide de camp de Pétain, un certain Charles de Gaulle, reproche aussi à son supérieur d’avoir accepté de succéder à Lyautey et rompt avec lui.

Après la démission de Lyautey, ses successeurs vont dilapider son héritage en prenant le contre-pied de sa doctrine et en provoquant une situation d’affrontement avec les élites marocaines. Entre le départ de Lyautey en 1925 et l’indépendance du Maroc en 1956, ils vont doubler la surface des terres de colonisation. Le premier successeur de Lyautey, en 1925, un ancien ministre de gauche dont on ne citera pas le nom, amplifie la colonisation officielle en faisant financer « l’algérisation » du Maroc par la France et en ouvrant la vanne aux Européens selon de vieilles recommandations datant de 1879 faites par un certain misérable Victor Hugo « Messieurs, (…) l’Afrique n’a pas d’histoire. (…) Déjà les deux peuples colonisateurs, qui sont deux grands peuples libres, la France et l’Angleterre, ont saisi l’Afrique ; la France la tient par l’ouest et par le nord ; l’Angleterre la tient par l’est et par le midi. Voici que l’Italie accepte sa part de ce travail colossal. L’Amérique joint ses efforts aux nôtres ; (…) au 19ième siècle, le blanc a fait du noir un homme ; au 20ième siècle, l’Europe fera de l’Afrique un monde. (…) Allez, Peuples, emparez-vous de cette terre. Prenez-la. À qui ? à personne. Prenez cette terre à Dieu. (…) Dieu offre l’Afrique à l’Europe.

Prenez-la. (…) colonisez, multipliez (…) Prenez-la. Versez votre trop-plein dans cette Afrique, et du même coup résolvez vos questions sociales, changez vos prolétaires en propriétaires. Allez, faites ! ». Pourtant, avant de quitter le Maroc, Jnaynar Lotti avait bien fixé le cap, à ses successeurs, dans une déclaration faite le 14 avril 1925 : « Il est à prévoir… que dans un temps plus ou moins lointain, une Afrique du Nord évoluée, vivant de sa vie autonome se détachera de la France. Il faut qu’à ce moment là – et ce doit être le but suprême de notre politique – cette séparation se fasse sans douleur et que les regards des indigènes continuent toujours à se tourner avec affection vers la France… Je n’ai pas cessé d’espérer créer entre ce peuple et nous un état d’âme, une amitié, une satisfaction intime qui font qu’il restera avec nous le plus longtemps possible, mais qui auront pour résultat final que si les événements le détachent politiquement de nous, toutes ses sympathies resteront françaises. C’est la pensée avec laquelle je vis, qui me porte ». Le second successeur de Lyautey, un autre type, dont on ne citera pas le nom non plus, sera responsable du dahir berbère de 1930, une ordonnance visant à diviser pour pour régner en « libanisant » le Maroc en divisant les Marocains entre Arabes et Berbères. Le roi Mohamed V, en 1931 à Paris, a salué le travail réalisé par Lyautey qui a « su conserver au Maroc ses traditions ancestrales, ses mœurs et ses coutumes, tout en y introduisant cet esprit d’organisation moderne sans lequel aucun pays ne saurait vivre désormais. Pouvons-nous oublier, en effet, qu’à votre arrivée au Maroc, l’empire chérifien menaçait ruine. Ses institutions, ses arts, son administration branlante, tout appelait un organisateur, un rénovateur de votre trempe pour le remettre dans la voie propre à le diriger vers ses destinées ». (A suivre)

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