Les Ouled Abdoun célèbrent le centenaire de 5ribga et de l’OCP, l’Office Chérifien des Phosphates voulu par Lyautey. ‘‘Jnaynar Lotti’’, comme le nomment affectueusement les 3abdouni, en signant le décret du 27 janvier 1920, était le seul à être conscient du caractère exceptionnel de ce ‘‘Loufisse’’. En confiant l’exploration et l’exploitation de l’OCP au seul ‘‘Magasin’’ (ma5zen), Lyautey a ainsi évité la rapacité du secteur privé. Dès juin 1921, la première cargaison de phosphates fut transportée à bord du train de Boujniba vers le port de Casablanca.
Suite à la révolte d’Abdelkrim 5atabi et l’arrivée de Pétain, ce dernier signifie à Lyautey « que son temps est révolu et qu’il ne va pas tarder à être remplacé par un Résident civil ». ‘‘Jnaynar Lotti’’ est alors convoqué à Paris fin août. Une fois dans la capitale, ses amis lui dépeignent l’hostilité qui règne à son égard dans les milieux politiques. Il a vite confirmation que le cartel de gauche veut sa tête. Il repart aussitôt sans avoir vu les ministres. Il met ses affaires en ordre et rédige le 24 septembre sa lettre de démission : « Du jour où la menace rifaine s’est réalisée, je n’ai plus eu d’autre pensée que de tenir le coup avec les moyens réduits dont je disposais au début, et de sauver la situation. Aujourd’hui, on peut sincèrement affirmer que le danger est écarté et que, avec les effectifs à pied d’œuvre, l’avenir peut être envisagé avec confiance. C’est donc en toute sécurité de conscience que je demande à être relevé de mes fonctions ». Lyautey entame une tournée d’adieux de dix jours. Sa dernière entrevue, le 5 octobre, est pour le Sultan Youssef. Les tribus lui envoient une lettre d’adieux : « nous remercions l’homme plein de sollicitude qui, par sa grande et belle œuvre étend partout le manteau de l’ordre, jette à bas les citadelles de l’anarchie et fait toujours en sorte qu’il n’y ait aucun conflit entre la civilisation et les coutumes anciennes du pays ». Le 12 octobre à Casablanca où il embarque sur l’Anfa, le port est noir de monde. Dans la foule compacte, Lyautey avance en silence, serrant des mains, murmurant quelques mots. Sur le pont, il fait un signe d’adieu et se retourne.
Les officiers sont effrayés de voir l’expression de son visage, c’est celui d’un homme terrassé par le chagrin. A Gibraltar, la flotte anglaise lui rend les honneurs militaires. La France ne l’attend pas à Marseille : aucune troupe, aucun officiel, juste ses amis au premier rang desquels d’Ormesson, qui émet une vigoureuse protestation dans le Figaro sous la forme d’une lettre ouverte au Président du Conseil (poste équivalent à celui de l’actuel premier sinistre). En 1926, la Mosquée de Paris est inaugurée le 16 juillet, en présence du président français Gaston Doumergue et du Sultan Youssef. Le président français célèbre alors l’amitié franco-marocaine scellée dans le sang sur les champs de bataille européens et affirme que la République protège toutes les croyances. La veille de l’inauguration, le résistant algérien Haj Messali insulte cette mosquée en la traitant de « mosquée-réclame » depuis un meeting. Ils étaient déjà jaloux du Maroc en 1926, un demi-siècle avant la marche verte de 1976. Lors de cette inauguration, Lyautey n’est pas invité. Pourtant c’est l’un des promoteurs du projet, qu’il a toujours ardemment soutenu, pour lequel il a mis ses architectes à disposition et dont il a présidé la cérémonie de pose de la première pierre le 19 octobre 1922.
Quand le Sultan Youssef constate l’absence de Lyautey, sa réaction est éloquente : il part aussitôt après la cérémonie, lui rendre visite chez lui avec toute sa suite pour le saluer. L’insultant Haj Messali avait oublié que c’est le Maroc qui a payé en partie les frais de construction de cette mosquée que l’Algérie fait sienne en 2021… Lors de cette cérémonie, Lyautey a rappelé à tous que grâce à cette mosquée : « Il ne montera vers le beau ciel de l’Ile-de-France qu’une prière de plus, dont les tours catholiques de Notre-Dame ne seront point jalouses ». (A suivre)