«Le développement du Maroc repose sur une jeunesse libre, épanouie, compétente, entreprenante, citoyenne, qui s’accomplit, réalise ses potentialités, et contribue au développement de son pays », dixit la Commission spéciale sur le modèle de développement… Vaste programme ! Et comment ne pas être d’accord ? Tous les partis politiques s’en sont d’ailleurs largement inspirés pour promettre monts et merveilles à une jeunesse désemparée et dubitative… Avec quel financement, objecteront les rabat-joie de service ? Une question que balayaient d’un revers de la main nos candidats de tous bords dont c’est le dernier des soucis! Y’a qu’à s’endetter, pardi ! Un peu plus, un peu moins, au point où on en est ! On ne va quand même pas puiser dans les économies des vieux pour engraisser les jeunes, n’est-ce pas? Et puis, une nouvelle génération paiera pour la précédente et ainsi de suite ! Une forme de Pyramide de Ponzi, à la Madoff, quoi ! Sauf que les politiciens, eux, ne finissent pas en prison sous nos cieux… Ou très rarement !
Une jeunesse qui a donc été extrêmement courtisée en cette période électorale, et que tous voudraient revoir revenir sur le droit chemin… Celui des urnes, notamment ! Et à propos de chemin, ce serait plutôt de longue marche qu’il faudrait parler vu l’état déplorable des lieux, se lamente Lhaj Miloud… Ce brave Lhaj qui est encore sous le choc d’une scène bouleversante à laquelle il a assisté, pas plus tard que cette semaine… Comme à son habitude, il flânait nonchalamment sur l’avenue 2 mars pour dégourdir ses vieilles jambes, lorsqu’il croisa une bande d’une vingtaine de jeunes totalement déchaînés… Ils étaient pour la plupart torse nu, les cheveux teints et les coiffures excentriques…
Beaucoup portaient sur les bras et la poitrine des cicatrices effrayantes ou des tatouages improbables… Ils étaient probablement sous l’emprise de boissons alcoolisées, psychotropes et autres hallucinogènes. Les passants, terrorisés, s’écartent du chemin de la horde qui progresse en vociférant… Ils se sont attardés devant l’établissement privé « la Résidence », interpellant les lycéens présents sur les lieux et cherchant à les provoquer, en visant particulièrement les jeunes filles… Puis ils allèrent s’agglutiner devant l’entrée d’un restaurant McDo, tambourinant sur les vitres et suscitant un début de panique… Un lycée et un restaurant qui n’appartiennent pas à leur monde… Il aurait suffi de peu de choses pour que la situation ne dégénère! Deux d’entre eux se sont même couchés en travers de la route, provoquant un concert de klaxons, avant d’être relevés par leurs copains et de s’éloigner en continuant à proférer obscénités et insultes à tue-tête ! Bien triste spectacle qui laissa Lhaj Miloud abattu et plein d’amertume…
Ces jeunes sont-ils perdus à jamais pour la société? Une société dont ils se sentent rejetés et qu’ils ont décidé de défier à leur manière… D’autres, tout aussi révoltés, ont choisi une autre forme de contestation, celle de la radicalisation islamique… Mais au fond, on assiste à un même mal-être, une même détresse, un même appel au secours ! Notre jeunesse va bien mal… Et cela ira en empirant tant qu’on ne lui proposera pas un véritable projet d’avenir où elle aura enfin toute sa place ! La répression à elle seule ne saurait régler tous les problèmes… Mais Lhaj Miloud vous rassure… La situation est désormais sous contrôle puisque la Commission de réflexion a concocté la potion magique idoine et que la coalition gouvernementale est en place… Prête à en découdre avec les mille maux qui rongent notre société et à terrasser chômage et inflation… La jeunesse, ils vont s’en occuper, vous allez voir ce que vous allez voir ! Une jeunesse entre 15 et 34 ans et qui représente un bon tiers de la population du pays… Et ce n’est pas Lhaj Miloud qui le dit mais de très sérieux organismes officiels que je vous laisse le soin de deviner… Une jeunesse dont plus de 4,5 millions sont inactifs, ne vont ni à l’école, ni en formation, ni au bureau, ni à l’usine….
Ils traînent dans les rues, exposés à tous les dangers et représentant, à leur tour, un danger pour les autres… Une jeunesse frustrée et oisive, adepte de l’argent facile, et qui considère le harcèlement sexuel comme une activité à plein temps, virile et valorisante ! En témoigne la vidéo publiée dernièrement sur les réseaux sociaux où l’on voit un voyou relevant la jupe d’une passante… Combien de jeunes filles subissent quotidiennement agressions verbales voire physiques, n’osant pas se plaindre parce que considérant que ça ne servirait à rien et que, bien au contraire, elles risqueraient de s’attirer des représailles de la part de leurs bourreaux…voire les foudres des mâles de leurs propres familles !
Mais tout cela ne sera bientôt plus qu’un lointain souvenir… La respectable Commission de développement est formelle : « La jeunesse marocaine doit réaliser ses potentialités, et contribuer au développement de son pays »… Et pour ce faire, elle table sur trois leviers principaux… Quand Lhaj Miloud vous dit qu’elle a pensé à tout? Le premier levier vise à «renforcer le système d’insertion professionnelle des jeunes»… Jusque là, rien à dire ! Le second concerne la mise en place d’un «programme national intégré de la jeunesse, géré dans les territoires par des entités professionnelles sous contrat de performance»…
Un peu confus, ce deuxième levier, pour Lhaj Miloud qui n’est qu’un simple citoyen, ne disposant pas des compétences requises pour décoder un texte élaboré par des gens au QI autrement plus élevé que le sien… Il passe donc…et vous expose directement le troisième levier qui vise «la mise en œuvre d’un service civique national pour renforcer la participation citoyenne et l’esprit de civisme des jeunes ». Voilà, par contre, un langage qui parle à Lhaj Miloud ! Un service civique sous forme de «volontariat rémunéré symboliquement pour l’accomplissement de missions d’intérêt général». Une phrase qui devrait sonner agréablement aux oreilles de nos jeunes… Au mot «symboliquement» près, effectivement ! La Commission nationale de réflexion a donc réfléchi… A la nouvelle coalition gouvernementale de retrousser ses manches et d’appliquer… Y’a plus qu’à ! Elle est pas belle, la vie ?