Dans la vie, nous avons tous besoin de nous accrocher à quelque chose qui soit commune et qui puisse nous rassembler. Le foot fait l’affaire. C’est un vrai opium. Le foot est une industrie prospère ; c’est rentable pour toutes les parties, à l’exception du (télé)spectateur qui a de quoi se branler et se prendre la tête, pas plus.
Regarder un match de foot de nos joueurs est une expérience éprouvante ; nous nous défonçons plus qu’eux, nous sommes commentateurs, stratèges, juges, bourreaux… Les imprécations et les gros mots se succèdent, et au final, notre excès de rage n’a d’égal que l’excès de zèle dont fait preuve notre sélection. En matière de foot, on prépare tout : les agréments des joueurs, leur argent de poche et leurs primes et on se prépare à tout, sauf à un mérite ou à une gloire. Et là, ils ont le malheur de nous faire croire que la valeur de la logistique et du fric mobilisés se mesure à ce qu’elle pourrait apporter, mais pas au montant de la facture, et à chaque étape, ils en foiraient, les enfoirés.
Le truc le plus distinctif de nos « lions », c’est qu’ils s’évertuent à faire des déceptions autour d’eux, et le pire c’est qu’ils donnent l’impression qu’ils ont du mal à imaginer le poids des attentes que les Marocains font peser sur eux. Normal, quand vous avez la majorité des joueurs, parachutés et naturalisés pour l’occasion, qui baragouinent un arabe lacéré et qui se plaisent à bourdonner confusément l’hymne national : un patriotisme caricatural grotesque. Leur soi-disant amour de leur pays ne vaut pas plus qu’un pet de lion. Un « lion de l’Atlas » [c’est juste une antonomase pompeuse et gonflante] ressemble à un comptable financier ou à un collabo ; tous n’ont pas le moindre sens du devoir moral, et pour ce qui est des calculs, ils n’en font qu’à leur petite tête.
Coup de théâtre, défaite sans appel et retour la queue basse mais les poches pleines, et, comme toujours, à chaque déculottée, les Marocains essayent de rester dignes pour ne pas se noyer dans le dégoût et l’humiliation. Nous traînons un passif avec notre sélection nationale, c’est un truc à vif qui nous travaille depuis longtemps ; nous nous occupons de leur sort, alors que le sort de la fierté de toute une nation est entre leurs mains : ils s’en tartinent le fion. Nous continuons à nous accrocher au passé, une tranche de l’histoire, l’équivalent d’un événement exceptionnel que nous avons du mal à ressusciter. Visiblement, ces épreuves continuent à nous faire vivre dans l’illusion.
Quand nos joueurs perdent, c’est toujours la faute de l’entraîneur ; on est certain que même si on leur affecte un certain Capello ou un Ferguson, ils remporteront une veste au lieu d’un trophée. Comme les hôpitaux qui engraissent les maladies, nous engraissons les déboires et les avatars : nous nous pissons dessus.
Il faudrait avoir le courage de remettre cette affaire sur le tapis et avoir le cœur de dire les choses haut et fort : le foot marocain est un foutoir, une vraie affabulation collective, une connerie monumentale, une diversion faite pour éluder et pervertir notre rectitude. Comment peut-on continuer à y croire ? Ils ont tout ce qu’il leur faut et ce n’est absolument pas une question de circonstances ou de manque d’options. Il vaut mieux les appeler « couilles molles» au lieu de « lions de l’Atlas », comme ça, on se fera à l’idée de partir en couille sans risquer de piquer une crise de nerfs.