Les élections du 8 septembre se sont déroulées, de l’avis de la majorité des participants et des différents observateurs à la fois nationaux et internationaux, dans des conditions relativement acceptables et saines. A l’issue de chaque consultation, et c’est la règle, on trouve des perdants et des gagnants. Et forcément, les premiers n’ont pas la même appréciation que les seconds. C’est ce qu’on relève à la suite de certains communiqués publiés jusqu’à présent par les formations politiques en lice. En termes de sièges obtenus au niveau de la Chambre des Représentants, les gagnants, à différents degrés, sont au nombre de cinq : le RNI, le PI, l’USFP, le PPS et dans une moindre mesure le PAM. Les stagnants sont constitués par le MP et l’UC. Le grand perdant de ces consultations est sans conteste le PJD qui a subi un effondrement quasi-total ayant vu le nombre de sièges dégringoler de 125 en 2016 à seulement 13 en 2021, soit un chiffre qui ne lui permet même pas d’avoir un groupe parlementaire.
On peut disserter à souhait sur les résultats de ces élections qui ont concerné, pour la première fois, les législatives, les communales et les régionales. Les différents partis politiques sont encore engagés dans les tractations portant soit sur la formation du gouvernement, soit sur la constitution des bureaux des conseils communaux et régionaux. Ce n’est qu’une fois le processus achevé, et toutes les statistiques sur les élections publiées, que l’on pourrait procéder à une évaluation d’ensemble et à une analyse fouillée.
Pour l’heure, tous les regards sont braqués sur le siège central du RNI là où le Chef du Gouvernement désigné, Mr Aziz Akhannouch, mène ses consultations pour former sa majorité avant de passer à l’étape ultime qui consiste à répartir les portefeuilles sur les partis de la prochaine majorité et à élaborer le programme gouvernemental. Après un premier round de consultations, Il semble que le contour du prochain gouvernement se précise : il regrouperait à côté du RNI, arrivé en tête, les deux autres partis arrivés respectivement deuxième et troisième à savoir le PAM et le RNI. Avec une telle composition, le gouvernement disposera d’une majorité confortable de 270 voix sur un total de 395 sièges, soit plus des deux tiers des membres du parlement (68,3%). Face à une telle majorité qui se veut «forte et homogène», à l’image du gouvernement qu’elle soutient, on aura une opposition formée d’une mosaïque de partis aux sensibilités opposées rendant toute coordination pratiquement impossible, sauf à faire émerger des blocs homogènes. Dans cette hypothèse, on aurait trois blocs d’opposition : un bloc formé autour des partis de gauche, un deuxième autour des partis libéraux et conservateurs qui pourraient opter pour le soutien au gouvernement sans y être, et le groupement du PJD qui fera vraisemblablement jeu à part, en attendant qu’il se remette de sa défaite pour voir clair et procéder aux clarifications nécessaires qui le repositionneraient sur la scène politique.
Bien sûr, une telle configuration de l’hémicycle n’est pas sans poser des interrogations sur la viabilité de l’exercice démocratique. En effet, une démocratie ne peut fonctionner correctement que par l’existence d’un équilibre entre la majorité et l’opposition. Tel ne semble pas être le cas selon l’architecture envisagée. Par conséquent, le risque est grand de voir la démocratie virer vers un certain autoritarisme que d’aucuns désignent par un vocable qui a fait son entrée dans le dictionnaire à savoir « la démocrature » ! (Contraction de démocratie et de dictature). D’ailleurs, on a vu comment le communiqué publié par les trois premiers partis au sujet de la formation des majorités des collectivités territoriales, a bloqué, sauf de rares exceptions, les autres partis d’accéder aux postes de responsabilité. Par un tel comportement qui relève d’un esprit hégémonique, faisant jouer la seule majorité arithmétique, on a éliminé des compétences qui seraient d’une grande utilité pour la collectivité concernée et le pays dans son ensemble. Ce calcul courtermiste ne fait que sacrifier l’intérêt général pour assouvir des appétits catégoriels et égoïstes.
Nous attendons maintenant la suite : connaitre le programme du futur gouvernement et les noms de ceux et celles qui seront chargés de sa mise en œuvre. A en croire le Chef du Gouvernement désigné, le gouvernement sera formé par des partis proches et dont les programmes électoraux respectifs se croisent. Soit. En procédant à une « lecture croisée » des programmes électoraux des trois partis censés former la prochaine majorité, on trouve effectivement beaucoup de points de convergence. Mais il y a aussi des appréciations et des propositions différentes sur lesquelles les différentes composantes doivent engager un débat afin de dégager des positions consensuelles. A moins que ces partis préfèrent passer sous silence ces divergences portant dans certains cas sur des questions stratégiques et d’une grande sensibilité politique. Auquel cas, ils n’auront pas respecté une partie de leurs engagements vis-à-vis des électeurs. Ce qui ne serait pas de nature à réconcilier le citoyen avec le politique.
En tout état de cause, et eu égard au fait que les points de convergence l’emportent largement sur les points de divergence, il faut s’attendre à un bouclage du programme gouvernemental dans un laps de temps relativement court, d’autant plus qu’une grande partie des chantiers qui seront retenus sont déjà en cours, dont notamment la généralisation de la protection sociale, la réforme des EEP ( entreprises et établissements publics), la poursuite de la mise en œuvre de la loi-cadre sur l’éducation, la mise en œuvre progressive de la loi-cadre sur la fiscalité. Cependant, le prochain exécutif n’aura pas la tâche facile face aux attentes des citoyens dans un environnement économique qui est loin de retrouver la normale. En outre, certaines réformes inévitables et risquées socialement doivent être lancées sans tarder : c’est le cas de la réforme des retraites et de la réforme de la caisse de compensation pour ne citer que ces deux.
Mais là où le prochain exécutif sera attendu et suivi de près, c’est justement là où le gouvernement sortant a brillé par son inaction face aux urgences et son hésitation à traiter les problèmes posés dans la clarté et à communiquer suffisamment et en temps opportun avec le peuple pour le rassurer et lui ouvrir des perspectives. La phase historique que nous vivons est pleine d’incertitudes et de risques. Le gouvernement doit être capable d’y faire face en permanence sans se détourner des objectifs que le NMD s’est fixé à l’horizon 2035. Pour l’ensemble de ces raisons, nous ne pouvons que souhaiter plein succès au Chef du Gouvernement et à son équipe. Dans l’intérêt bien compris de notre peuple et pour la grandeur de notre pays.