Au Maroc, dans les années soixante, l’enseignement à l’école primaire était bilingue arabe/français dès le CE1 (Cours élémentaire 1ère année) dans le tout le Royaume sans aucune différence de classe sociale : un instituteur pour l’arabe une ½ journée et un autre pour le français la seconde ½ journée. Chacun des 2 instituteurs s’occupait de 2 classes à la fois. C’était magique pour nos petites têtes frisées qui découvraient de front 2 langues, 2 civilisations, l’Orient et l’Occident. Cela évitait d’avoir, plus tard, des adultes à la pensée monolithique et l’identité culturelle exacerbée. Notre livre de français (Cf. Photo ci-dessous) illustrait sa couverture par un conte de Rabelais publié en 1552. De souvenir, ça nous avait beaucoup amusé à l’âge de 8 ans. Rabelais raconte que Pantagruel et ses compagnons, dont fait partie Panurge, sillonnent la mer lorsqu’un différend éclate entre Panurge et le marchand Didenault, car ce dernier s’est moqué de l’accoutrement de Panurge. Pour se venger, Panurge lui achète un mouton et le jette à la mer ! Le troupeau entier le suit, emportant sur son passage Didenault et le reste de l’équipage qui tente de les retenir.
Selon la Bible – la Genèse 22, 1-14 – un livre écrit, selon les historiens, 34 siècles avant aujourd’hui, Dieu, très taquin, demande à Abraham: « Prends ton fils, celui que tu aimes, va au pays de Moriah, et là tu l’offriras en holocauste sur la montagne que je t’indiquerai.». La question à se poser de nos jours : le Coran impose-t-il aux musulmans de sacrifier un mouton depuis 2025-622 = 14 siècles ? La raison peut-elle imposer un rite vieux de 34-14 = 20 siècles ? Selon les historiens, la tentative d’infanticide d’Abraham est liée au rite du pèlerinage à La Mecque mais le Coran stipule que les pèlerins peuvent lui substituer un jeûne. Pour ceux qui n’effectuent pas le pèlerinage, le sacrifice d’un mouton n’a jamais été interprété comme une obligation du Coran chez les premiers musulmans, bien au contraire. N’oublions pas que ces textes anciens s’inscrivent dans une économie de subsistance et insistent avant tout sur la redistribution de nourriture aux plus pauvres. Or, on assiste aujourd’hui à des inepties : en France des musulmans modestes contractent des prêts pour acheter un mouton afin de ne pas perdre la face devant leurs voisins, alors qu’ils devraient bénéficier eux-mêmes de cette redistribution de viande par les Restos du Cœur de Coluche, le Secours Populaire ou le Secours Catholique.
Dans un pays comme la France où les frigos sont remplis de viande, le plus important est-il de tuer et dépecer un mouton pour l’Aïd ou de communier avec une communauté de foi et faire preuve de charité ? Pour revenir au conte de Rabelais, il illustre l’expression “suivre comme un mouton de Panurge”, “être un mouton” ou encore, “avoir l’âme moutonnière” pour décrire le fait d’imiter la majorité sans réfléchir, de suivre l’avis général sans se forger sa propre opinion. Les « moutons » suivent docilement un chef de file vers les pâturages. Sans doute ont-ils été une des premières espèces animales domestiquées par les autres moutons bipèdes, c’est-à-dire les Hommes avec « une grande » hache et deux pattes. La langue française est riche d’expressions ayant pour origine le comportement « moutonnier ».
Une « brebis galeuse » est une personne indésirable dans un groupe à cause de son comportement. La brebis galeuse devient très vite un « bouc émissaire » ou un « mouton noir » et donc un « soufre douleur » et une « tête de Turc » pour un groupe ! En 1549, Joachim du Bellay livre un texte, plaidoyer en faveur de la langue française. Il montre sa reconnaissance envers François Ier. Ce Roi de France a en effet créé le Collège des lecteurs royaux. Les Regrets, un recueil de poèmes écrit au 16ème siècle pendant son voyage à Rome est publié à son retour. C’est le mythe d’Ulysse en quête du retour dans sa patrie qui a inspiré ce poème. Revenu en France, Joachim du Bellay y retrouve les travers observés à Rome : « Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage ! Ou comme celui-là qui conquit la toison. Et puis est retourné, plein d’usage et raison, vivre entre ses parents le reste de son âge ! Quand reverrai-je, hélas, de mon petit village fumer la cheminée, et en quelle saison, reverrai-je le clos de ma pauvre maison, qui m’est une province, et beaucoup davantage ? Plus me plaît le séjour qu’ont bâti mes aïeux, que des palais romains le front audacieux, plus que le marbre dur me plaît l’ardoise fine, plus mon Loir gaulois, que le Tibre latin, plus mon petit Liré, que le mont Palatin, et plus que l’air marin la douceur angevine. » (À suivre)
Beurgeois Gentleman