Il y a le style architectural dit stalinien, morne et pompeux, qui a prévalu après la seconde guerre mondiale dans les pays de l’ex-bloc soviétique. A l’époque, il fallait reconstruire, beaucoup et vite, pour reloger des millions de personnes… La violence des combats n’avait épargné ni les hommes, ni les édifices… Les citoyens de l’eldorado communiste, et de préférence les membres des glorieux partis communistes, se virent attribuer des logements d’État, dont ils pouvaient jouir de leur vivant, mais qu’ils ne pouvaient transmettre à leurs enfants, la propriété privée étant bannie du lexique de l’eldorado communiste… On comprend pourquoi le système était voué à l’échec !
A l’Ouest aussi, on a construit à tour de bras… Des tours d’habitation bon marché pour loger de la main d’œuvre, tout aussi bon marché… Des logements édifiés à la va-vite mais qui, en leur temps, constituaient un progrès social indéniable qui découvraient avec ravissement les délices de l’eau courante et du tout à l’égout… Des logements populaires qui côtoyaient des résidences cossues et des villas de maître… Le tout en pleine propriété, le monde dit libre ayant cette vertu stimulante qu’il permet l’accumulation des richesses par les individus et leur transmission par voie d’hérédité… On n’a toujours rien trouvé de mieux ! Contrairement au style collectiviste, morne, triste, et qui se voulait égalitaire, mais en opérant un nivellement par le bas, les constructions capitalistes se caractérisent par leur audace architecturale, et reflètent la diversité tant des goûts que des portefeuilles ! Il n’en reste pas moins qu’une harmonie générale s’en dégage, que la propreté est la règle et que le savoir-vivre ensemble prime. Les occidentaux, comme les dragons asiatiques, d’ailleurs, ont placé la barre très haut, en termes de respect de l’environnement, de sécurité et d’hygiène, avec des dispositifs de contrôle efficients.
Il y a donc le style soviétique, le style capitaliste et il y a le nôtre… Le style « khourouttou »… Qu’on trouve dans les pays qui se disent toujours en voie de développement, depuis les années soixante… Si le style, c’est l’homme, on pourrait aussi dire, que le style c’est le pays! Un style architectural, pour autant qu’on puisse parler de style pour qualifier des constructions alliant manque d’esthétisme et insécurité, excentricité et démesure…. Un style non aligné donc, puisqu’il ne se conforme ni à l’austérité des uns ni à l’audace architecturale des autres… Non aligné sur les écoles occidentales et soviétiques… Et non aligné tout court… Ni horizontalement, avec le fatal empiètement sur l’espace public, ni verticalement, avec des buildings de cinquante mètres de hauteur côtoyant des résidences de trois étages ! Un style anarchique, débridé, hors de tout contrôle, en dépit d’une armada de fonctionnaires tatillons… Avec d’un côté, des villas énormes aux formes fantaisistes et aux couleurs improbables, dont on a l’impression que les heureux propriétaires, souvent des pontes du système, veulent clamer à la face du monde qu’ils ont réussi… Si ce n’est dans la gestion des affaires publiques, au moins dans celles de leurs propres affaires ou plutôt personnelles, puisque sur la propreté, je ne saurai m’engager…
De l’autre côté, il y a des bidonvilles hideux qu’on s’évertue officiellement à éradiquer depuis des décennies pour un résultat piteux… Puisque pour chaque bidonville rasé, il en surgit deux, comme par miracle ! Et quand on parle d’éradication, restons humbles ! Il s’agit dans le meilleur des cas de remplacer des bidonvilles classiques par des bidonvilles en hauteur, où les unités de logement ne dépassent guère 50 m2, que vous ayez un ou cinq enfants… Avec quelques arbres maigrichons en guise d’espaces verts et un manque criard d’installations collectives, si ce n’est l’incontournable école primaire, construite en préfabriqué… Comme si on construisait des installations provisoires dans un camp de réfugiés, en parant au plus pressé ! Il y a enfin les immeubles intermédiaires, pour petits bourgeois qui rêvent de devenir grands… Des immeubles dits de standing, parce que construits avec du carrelage d’importation et comportant un garage titré, le petit bourgeois se préoccupant presque autant de sa chère voiture que de sa tendre moitié… Et enfin des immeubles dits de moyen standing, construits à la périphérie des villes, et qu’on n’oserait même pas qualifier de logements sociaux de l’autre côté de la Méditerranée… Que des hordes d’employés et de petits fonctionnaires ont eu le privilège d’acquérir grâce à un crédit sur 25 ans à un taux bonifié… Et si ça peut vous rassurer, sachez que les heureux élus sont intégralement couverts par une assurance-vie et incendie… On dit merci qui ?