La vie est truffée d’improvisations, d’incohérences et d’incertitudes. Personne n’a des yeux derrière la tête pour guetter le moindre mouvement, ou acte, qui pourrait échapper à sa vigilance. Depuis le début de cette saloperie de maladie, beaucoup d’entre nous ont frisé la mort. Au bout d’un an, nous commençons à devenir blindés et à jouer les durs pour éviter qu’on nous rigole au nez. On se souvient de ces va-de-la-gueule, qui, sans être dans leur tripot, fanfaronnaient au début en pestant contre le salut (le vaccin) et qui sont maintenant les premiers à demander des nouvelles de l’opération. Au début, ils cultivaient le doute pour abreuver et nourrir les discussions. Ils sont toujours dans la réflexion rebelle et prêts à chier dans la colle et à jeter la pierre aux autres ; ils sont forts pour la tchatche. C’est un peu le genre de personnes qui croient toujours voir des choses cachées et captieuses derrière les actes. Cela leur donne le droit de faire le procès du vaccin sur un pied de mouche en le comparant à de la moutarde offerte après le dîner ou à un cadeau empoisonné. Merde, on dirait les oisons qui veulent mener paître leur mère. C’est de l’immaturité intellectuelle et émotionnelle.
Coup de théâtre, pour tenter de canaliser leur désarroi, ils sont aujourd’hui les premiers à poser des questions intrusives, eux qui donnaient des réponses évasives. Pire encore, ils s’évertuent à faire des comparaisons et à dépeindre les vaccins ; ils cherchent plus à être flattés qu’à être instruits. C’est une sacrée collision entre la prétention et l’ignorance. Grosso modo, nous éprouvons autant de plaisir à dire des choses que nous en éprouvons lorsque nous les faisons. Nos propos manquent souvent de mesure, et quand nous fermons nos gueules, les gens se laissent souvent abuser par notre silence alors qu’ils auraient aimé que nous absorbions (eussions absorbé) leurs craintes par des récits même illusoires ou emphatiques. En s’exposant à de telles tortures verbales, votre moral en prend souvent un sacré coup et ne sera pas prêt de s’en remettre, mais votre pathétique blessure ne vous disculpe pas et ne vous dispense pas de vous protéger et de couvrir vos arrières parce que vous débitez quand même un sacré rôle qui frôle l’indifférence.
Au lieu de mettre en doute la générosité providentielle, ces gens-là pourraient s’en prendre aux banques qui nous réduisent à des chiffres, à ces cliniques qui fourmillent autant que les malades et à ces satanés réseaux sociaux qui nous hypnotisent et crétinisent. Vraisemblablement l’ineptie et l’insipidité continueront à sévir et on se demande s’il faut continuer à défendre ce qui est juste et raisonnable pour ne pas laisser ces gens-là nous embobiner. On le sait, chaque vin a sa lie (vice), et certains font comme ceux qui mettent la faucille dans la moisson des autres au lieu de se contenter de discuter des fiançailles de leurs grands-mères. Bref, il va commencer à faire beau et après s’être vacciné, on va devoir en profiter pour se mettre un peu de soleil au-dessus de nos têtes, comme ça on pourrait se contenir et se la péter un peu moins.