Tout feu, tout femme…

La femme marocaine est plurielle, confrontée à des problèmes différents selon qu’elle est rurale ou citadine, issue d’un milieu aisé ou d’une strate sociale modeste. En effet, la situation de la femme de Tata par exemple ou de Guercif est aux antipodes de celle d’une habitante de Casablanca qui a eu la chance de faire des études supérieures. L’environnement social est déterminant dans la construction du profil féminin étant entendu que les femmes émancipées sont issues généralement de l’élite éduquée et cultivée, où les pratiques sociales évoluent plus vite que les mentalités. Quel bilan dresser, à la lumière de cette réalité, de la situation de la femme marocaine? L’égalité de genre n’étant pas acquise y compris dans nombre de pays dits développés vu que les rapports entre les deux sexes doivent être appréciés sous l’angle de la complémentarité découlant du statut de chacun, il s’agit d’apprécier cette question à l’aune de l’émancipation de la femme marocaine et le degré de son implication dans la vie de la nation.

Sans conteste, la femme marocaine est parvenue à s’imposer et en imposer, essentiellement dans le monde des affaires qui il n’y a pas longtemps encore, était la chasse gardée des hommes. Depuis quelque temps, l’économie nationale s’est enrichie de plus en plus de femmes chefs d’entreprise, créatives et combatives, qui font montre de qualités managériales et humaines impressionnantes. Dans le sillage de la réussite éclatante des Salwa Akhannouch, Miriem Bensalah Chaqroun et autres Saïda Lamrani, qui continuent à inspirer plusieurs femmes, a émergé une nouvelle génération d’entrepreneuses qui ont investi divers secteurs porteurs. Agroalimentaire, informatique, digital, artisanat, tourisme, services… mais aussi l’agriculture avec l’éclosion dans le monde rural de nombreuses coopératives féminines qui valorisent les produits du terroir. Une révolution que le Maroc doit au Plan Maroc Vert et au dispositif de soutien accordé par la Fondation Mohammed V pour la Solidarité.  De plus en plus de femmes ont pu ainsi sauter le pas en lançant des microprojets qui ont bénéficié de différents mécanismes financiers très incitatifs comme Ilayki de Tamwilcom, ex-CCG. Souffrant historiquement de marginalisation économique, dépendant de leurs maris pour la moindre dépense, les femmes rurales ont pris leur destin en main il y a près de deux décennies. En devenant entrepreneuses, membres ou responsables de coopératives, elles sont de moins en moins cantonnées dans les tâches ardues et ingrates d’approvisionnement en eau ou de ramassage de bois. Mais bien du chemin reste à parcourir et d’efforts à déployer pour que la femme marocaine dont les conditions d’accès à l’éducation ont pourtant connu une amélioration notable au fil des années ait la place qu’elle mérite dans la vie active où son taux de participation reste l’un des plus faibles au monde.

Force est de constater aussi que si le rayonnement de la femme marocaine dans la sphère économique est patent il est moindre quand il s’agit du domaine de la responsabilité politique. Il est vrai que le Royaume peut se targuer de nommer quelques ministres femmes au gouvernement, d’envoyer une poignée de députés sous l’hémicycle et choisir quelques ambassadeurs parmi la gent féminine, mais ce n’est guère suffisant, les hommes continuant à truster le gros des postes et des portefeuilles de la décision politique, ne laissant que très peu de place à la moitié de la société. Question de mentalité certainement. Cette sous-représentation continue à être perpétuée en raison notamment de l’absence de lois sur la parité politique qui soient contraignantes pour les partis. Résultat : ces derniers se sentent libres de tout engagement dans ce domaine.

Fait très significatif de cette situation, les premières élections régionales (2015), post constitution révisée de 2011, n’ont vu aucune femme prendre la tête d’aucune des 12 régions du pays ! Infime changement à l’issue des régionales de 2021 avec l’arrivée de Mbarka Bouaida à la tête de Guelmim-Oued Noun. La même exclusion a touché la démocratie locale, puisque là aussi l’essentiel des mandats électifs sont revenus aux hommes. Là où l’on voit que la représentation des femmes en politique avance très peu au Maroc. Avancer sur la voie de l’égalité entre les deux sexes quand bien même les lois sont meilleures n’est pas chose aisée surtout dans une société où les mentalités sont difficiles à faire évoluer. C’est dire que le combat des femmes n’est pas gagné d’avance. Il est d’autant plus difficile qu’il est permanent. Un  chemin semé de préjugés et de stéréotypes. Et c’est la plus difficile des luttes.

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