Le fameux programme « Villes sans bidonvilles » a tourné au fiasco. Et c’est la ministre de l’Aménagement du territoire et de l’Habitat Fatima Zahra Mansouri qui l’a reconnu officiellement mardi 1er février devant la Chambre des conseillers. Un fiasco en béton parce que ce phénomène n’a pas été éradiqué et que les bidonvilles poussent toujours comme des champignons dans certaines grandes villes du pays.
Depuis son lancement en 2004, ce dispositif a pourtant bénéficié d’un budget colossal de 40 milliards de DH, mobilisé dans différentes opérations de relogement des bidonvillois sans pour autant en finir avec ce fléau censé être éradiqué en 2010. Résultat : En 2021, le nombre de villes assainies ne dépasse pas une soixantaine sur un total de 85. Au rang des métropoles problématiques figure évidemment Casablanca, qui concentre à elle seule environ 50% de la population-cible.
Quelque 300.000 familles ont pu jusqu’ici être recasées alors que 150.000 sont en attente de l’être, selon la ministre PAM et maire de Marrakech. Celle qui est réputée ne pas avoir la langue dans sa poche a accusé des « mercenaires » de l’habitat insalubre qui au lieu de le combattre en ont fait un business juteux. Une maison de bric et de broc dans un quartier bidonvillois se vend jusqu’à 30.000 DH. Une fortune. Ces mercenaires sont des agents d’autorité irresponsables qui encouragent avec la complicité de certains élus véreux la prolifération dans les zones périphériques des « taudis » que leurs occupants considèrent comme un investissement qui leur fera décrocher tôt ou tard un logement en dur dans le cadre d’une opération de recasement.
C’est ainsi qu’on s’est retrouvé face à un véritable serpent de mer qui a englouti des fonds considérables sans grand résultat. Il faut dire aussi que les marchands des baraques non réglementaires n’ont peur de rien. Ni des sanctions prises de temps en temps à l’encontre des coupables ni du recours aux satellites par le ministère de l’Intérieur pour contrôler les zones de prolifération des bidonvilles.
Cette réalité de terrain sur laquelle le gouvernement ne semble pas avoir prise signe sans conteste l’échec de la politique d’aménagement du territoire tout en soulignant la vigueur de l’exode rural, engendré lui-même par l’incapacité des responsables à fixer une partie des ruraux dans leur milieu naturel. Échec de la politique d’aménagement du territoire parce que les pouvoirs publics n’ont pas été assez prévoyants pour faire émerger très tôt des villes-tampons dignes de ce nom autour des grandes agglomérations dont les lumières attirent en permanence des bataillons de jeunes d’un monde rural miné par la pauvreté et la précarité. Pour survivre, ces nouveaux venus, à peine alphabétisés et dépourvus de savoir-faire, envahissent l’espace public en se transformant en grande source de nuisances.
Il faut dire aussi que les marchands des baraques non réglementaires n’ont peur de rien. Ni des sanctions prises de temps en temps à l’encontre des coupables ni du recours aux satellites par le ministère de l’Intérieur pour contrôler les zones de prolifération des bidonvilles.
Comme on ne trouve pas de job juste en traversant la rue, ils se rabattent sur les petits boulots et s’improvisent marchands ambulants de tout et n’importe quoi (fruits et légumes sur des charrettes) ou vendeurs à la sauvette de babioles chinoises aux feux rouges et autres carrefours. Profitant du laxisme des autorités, certains vont jusqu’à installer leurs « boutiques » carrément sur une partie des rues et boulevards notamment devant les mosquées, occasionnant une gêne considérable pour la circulation alors que d’autres sont exploités par des élus malhonnêtes dans des réseaux opaques de gardiennage des voitures, cette fausse activité-pompe à fric, installée dans toutes les rues et les artères de la ville.
Développement anarchique et chaotique quand tu nous tiens ! Outre le chômage, la promiscuité, l’exclusion et la criminalité sous ses différentes formes, cet exode rural non maîtrisé s’est accompagné d’une ruralisation d’une bonne partie de Casablanca. Métropole de tous les paradoxes où les résidences de luxe ont des vues imprenables sur les quartiers insalubres et où les inégalités sociales sont les plus criardes.
Il a fallu attendre le début des années 2000, marqué par un boom immobilier sans précédent, pour assister à la naissance pour la première fois du Schéma national d’aménagement du territoire (SNAT), centré principalement autour de l’édification de villes nouvelles. Objectif : satisfaire la forte demande en logement et décongestionner les grandes villes comme Casablanca, Marrakech et Rabat. Là aussi, l’échec est retentissant.
Au lieu de faire jaillir de terre des espaces de vie dotés des attributs d’une véritable ville en termes d’équipements et d’infrastructures (écoles, transports, commerces, hôpital…) on a fait construire des cités-dortoirs avec comme seule offre des logements économiques. En plus d’être exiguës (entre 50 et 80m2) compte tenu du nombre élevé de ses occupants à très faible revenu, ces appartements surpeuplés sont de moindre qualité technique. Mal conçus, mal insonorisés et mal entretenus avec des malfaçons à la pelle, ils sont situés dans des complexes résidentiels implantés dans des zones marginalisées, dépourvues de moyens de transport et de nombreuses commodités. Une véritable bombe à retardement social. Cette politique de logement au rabais, génératrice de mal-vie avec son lot de promiscuité et de délinquance, devrait normalement interpeller les responsables. Telle qu’elle dysfonctionne, ne perpétue-t-elle pas au fond les bidonvilles autrement ? En hauteur ?