La marchandisation de la santé et sa financiarisation, nous y voilà. Elle commence à s’imposer sous nos yeux sans que cela ne choque grand monde. Le symbole de cette dérive a pour nom Akdital, cette nouvelle enseigne qui rachète les cliniques à tour de bras et ouvre son capital à des fonds d’investissement privés dans l’espoir de réaliser de confortables plus-values financières. Avec comme ligne de mire l’introduction en bourse pour rafler la mise en captant l’argent des particuliers et surtout des institutionnels. Pour réussir le coup et ramasser le jackpot, il faut rendre la mariée plus belle, non seulement en étoffant son réseau de structures de soins dans les principales villes du pays mais en s’appuyant sur les leviers fonciers et immobiliers via la création d’Akdital Immo. Valoriser l’entreprise en étoffant ses actifs, tel est le pari des promoteurs de ce groupement sanitaire qui s’est même offert un battage médiatique à la radio et à la télé pour vanter ses prestations, faire connaître au passage la marque et lui assurer une certaine notoriété. La marchandisation de la santé, nous y voilà. On fait désormais de la réclame aux cliniques comme à un produit de grande consommation, le shampoing, les pâtes ou la lessive ! Vive le progrès !
Piloté par un professionnel de la médecine d’expérience, Akdital compte néanmoins dans son tour de table des hommes d’affaires qui ne courent que derrière le profit à l’image des Bennani de Best Financière déjà présents dans la grande distribution et l’immobilier commercial. Cette configuration est née de la fameuse loi 131-13 tant décriée, qui a ouvert le capital des cliniques aux forces de l’argent, que le pays doit à l’ex-ministre de la Santé Lahoucine Louardi avec le soutien en sous-main de son allié d’alors dans le gouvernement Benkirane, le titulaire du portefeuille du Commerce et de l’Industrie Moulay Hafid Elalamy. Celui-ci était tellement pressé de mettre un pied dans le secteur juteux des cliniques qu’il n’a pas attendu la promulgation de la loi en 2015 pour se lancer dans un délit d’initié flagrant avec le rachat d’un certain nombre de cliniques via un prête-nom. Avant de faire marche arrière en cédant toutes ses acquisitions après s’être rendu compte que le business des cliniques, notamment à cause de la personnalité des médecins que l’on ne mène pas à la baguette, est beaucoup plus compliqué que celui des centres d’appel où la main-d’œuvre est corvéable et taillable à merci.
La marchandisation de la santé, nous y voilà. On fait désormais de la réclame aux cliniques comme à un produit de grande consommation, le shampoing, les pâtes ou la lessive ! Vive le progrès !
La Loi 131-13, seule réalisation du ministre PPS au profit des nouveaux prédateurs de la santé, porte en elle les germes d’une privatisation à outrance de la santé qui promet une prospérité insolente sur les décombres de l’hôpital public miné par mille et un maux. De la même manière que l’enseignement privé engrange des gains mirifiques sur la crise profonde qui frappe l’école publique, la marchandisation de la santé est en train de tirer profit de l’agonie des structures de soins publiques.
Les Marocains sont aujourd’hui livrés à une double rapacité, celle des écoles payantes et celle des cliniques privées. Sans que les pouvoirs publics n’interviennent pour les protéger par un encadrement des prix qui dans les deux secteurs sont exorbitants, voire scandaleux, ou pour faire appliquer la loi en sanctionnant les abus qui sont légion.
Dans ce contexte très bienveillant, Akdital agit en éclaireur dans le sillage duquel se développeront d’autres entités similaires qui se sont déjà introduites dans la brèche. Leur cible ? Une patientèle plus ou moins aisée disposant d’une bonne couverture maladie lui garantissant une prise en charge clinique adéquate que les hôpitaux de Aït Taleb sont loin de pouvoir offrir pour les raisons que l’on ne sait. Or, la généralisation de l’AMO au profit d’autres catégories de la population, une initiative certes louable, n’est nullement un gage de qualité des soins et de transformation de l’hôpital public plombé par un manque terrible de moyens et de praticiens motivés. Se nourrissant de ces hémorragies, Akdital et compagnie qui ont une autoroute devant eux opèrent naturellement dans un marché captif perçu comme un eldorado où les opportunités d’affaires sont nombreuses. Entre assurances, maladies en perpétuelle croissance et digitalisation de la médecine, il y a du blé, beaucoup de blé à ramasser. La grande bouffe ! Bon appétit, messieurs du bistouri !