Décalage des saisons

Le climat de ce mois de mars est inhabituel, ressemblant étrangement à celui de l’automne et de l’hiver. Ce n’est pas un temps printanier marqué habituellement par quelques jours de pluie fine. Cette situation exprime clairement  un décalage des saisons dont les responsables doivent tenir compte pour un meilleur encadrement des fellahs appelés à adapter leurs calendriers de cultures au changement climatique.
Alors que le Maroc s’achemine vers une  nouvelle année de  relative sécheresse, les ondées  de ce mois de mars accompagnées de chutes de neige  sur certaines cimes et de grosses rafales de vent ont relancé l’espoir chez plus d’un. D’abord chez les agriculteurs des cultures printanières-celles des céréales étant compromises- mais aussi les éleveurs dont le bétail va pouvoir profiter d’un bon couvert végétal. En plus du remplissage des barrages dont la majorité ont atteint leur plus bas niveau historique, ces pluies sont aussi tout aussi bénéfiques pour réalimenter les nappes phréatiques qui sont à sec dans de nombreuses régions du pays, victimes d’un siphonage sauvage causé par l’agriculture intensive tournée vers l’export de la tomate,  de l’avocat et autres cultures aquavores.
Le dérèglement climatique, on y est  donc de plain-pied avec comme corollaire un décalage des saisons par rapport aux périodes  habituelles, qui empiètent les unes sur les autres. Ce bouleversement profond a évidemment  des retombées sur l’activité agricole et la biodiversité en général, ce qui nécessite  de la part des gouvernants la mise en œuvre  de politiques d’adaptation pour chaque région en intégrant la dimension climatique dans les politiques publiques. Une réalité tangible que les faiseurs des lois  de finances sont appelés à prendre en ligne de compte. Tout un programme.  

Même tardives par rapport au calendrier agricole,  les pluies de ce mois de mars sont inestimables dans un pays en proie à un amenuisement sans précédent de ses ressources hydriques.


Prenez par exemple les montagnes d’Oukaïmeden qui sont confrontées cette année à un retard des chutes de neige. Ce phénomène est  hautement préjudiciable aux habitants qui vivent essentiellement des sports d’hiver notamment le ski. Ce manque de neige, conséquence du réchauffement climatique, devrait inciter les décideurs à l’échelle nationale et régionale à proposer dans une démarche d’anticipation des modèles  de reconversion aux populations.
Le problème est tout aussi crucial pour les petits fellahs des zones bour qui comptent sur la générosité du ciel pour  pouvoir labourer leurs lopins de terre et entretenir leur culture vivrière qui comme son nom l’indique est tournée vers l’autoconsommation et l’économie de subsistance. L’agriculture de rente est en train de se doter de stations de dessalement de mer pour maintenir sa dynamique exportatrice et l’enrichissement de ses acteurs. Mais quid des populations rurales  pauvres du Maroc profond ? Qui leur fournira l’eau dont elles ont besoin si le stress hydrique  devrait s’aggraver dans les années à venir ?  Bien des villages autrefois fertiles et bien arrosés sont aujourd’hui confrontés à la rareté d’eau. Ce qui  ne semble pas inquiéter outre mesure les ministères qui donnent l’impression de ne pas se préoccuper que du sort des périmètres irrigués. Or,  sans pluies et du fait de l’assèchement des sols et de leur dégradation, les représentants de la petite paysannerie  sont tout simplement condamnés à un appauvrissement encore accru qui pourrait les contraindre à  devenir des exilés climatiques.
En fait, cette réalité existe déjà puisque de plus en plus de jeunes paysans quittent la campagne vers les centres urbains, le travail de la terre ne leur permettant plus, faute justement d’eau, de subvenir à leurs besoins.
Certes, l’exode rural a toujours existé, alimenté par des cohortes de ruraux dans la force de l’âge et même en bas âge qui s’installent en ville où ils exercent de petits boulots pour envoyer de l’argent à la famille restée au « bled». Mais le phénomène de la migration climatique ne ferait qu’accentuer celui de l’exode rural classique, ce qui engendrerait une pression accrue sur les villes avec tout ce que ce scénario implique  comme désagréments (délinquance, promiscuité, criminalité)…
Même tardives par rapport au calendrier agricole, les pluies de ce mois de mars sont inestimables dans un pays en proie à un amenuisement sans précédent de ses ressources hydriques. Mais ces précipitations ne doivent pas masquer le fait que  le Royaume est en situation de stress hydrique avec, selon l’ONU, 500 mètres cubes d’eau douce par habitant et par an, contre 2 500 mètres cubes en 1960. La politique d’irrigation, l’extension des superficies irriguées et l’encouragement des cultures de contre-saison tournées vers l’export  sont  une réussite sur le plan économique. Mais faut-il reconduire  une stratégie aquavore qui a non seulement assoiffé le pays mais épuisé aussi  ses stocks stratégiques souterrains? Une question essentielle qui coule de source…

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