Discours du Trône : Cessons de faire semblant et soyons sérieux…

Le discours royal du Trône prononcé samedi 30 juillet 2023 n’a rien d’une allocution de circonstance. C’est un discours de la méthode. Qui devrait faire date dans l’histoire des messages à la Nation de Mohammed VI. Après une série de chantiers structurants, de rappels des principes, d’appels à la mobilisation civile et citoyenne à l’adresse de tous et après des bilans critiques réitérés à l’adresse des élites gouvernementales, politiques et économiques, le Souverain s’est attaqué cette fois à la racine profonde de nos dysfonctionnements collectifs : le sérieux dans l’action et son préalable: la culture de la responsabilité. A partir de cette valeur cardinale qu’est le sérieux, le souverain a dessiné les contours du Maroc qui gagne, à l’image de l’exploit historique de ses Lions de l’Atlas lors du mondial du Qatar, le Maroc capable de relever les défis de développement futurs. « Le sérieux que Nous exaltons n’est pas un terme vide de sens, de portée purement formelle. C’est, au contraire, un concept intégré qui recouvre un ensemble d’idéaux et de principes opératoires », a expliqué le chef de l’Etat.

Les Marocains connaissent la valeur capitale du sérieux et un adage bien de chez nous le souligne clairement : « seul le sérieux est durable ». Le sérieux par opposition à la négligence, à la procrastination, aux faux-semblants, aux manœuvres et la supercherie. Devenu une denrée rare par les temps qui courent, le sérieux va généralement de pair avec la Niyya (la bonne foi, l’intégrité, la force de l’intention) popularisée par le coach Walid Regragui dont les joueurs « ont offert les plus belles images de ferveur patriotique, d’unité et de cohésion familiale et populaire et ils Nous ont rendu particulièrement fier, ainsi que l’ensemble du peuple marocain ». Si le sérieux, El Maakoul en darija, est un long chemin, certes souvent semé d’embûches de toutes sortes, mais qui mène à nul autre pareil à la réussite. Il a pour conditions, au plan individuel, la persévérance et la détermination et au plan collectif l’exigence, la clarté et le respect des principes et des règles suprêmes, non négociables, institutionnelles, politiques et comportementales, au service de l’intérêt général et de la cohésion sociale et nationale.

Dans sa célébration du sérieux qui implique responsabilité, conscience professionnelle et rigueur, le roi Mohammed VI interpelle directement -et ils auraient tort de regarder ailleurs- les décideurs politiques, ceux qui ont le pouvoir d’agir sur le réel des Marocains pour qu’ils inscrivent leurs actions dans ce cercle vertueux. « A présent que la dynamique nationale de développement a atteint un stade de maturité avancée, il nous appartient de faire preuve de ce sérieux reconnu pour franchir de nouveaux seuils sur la voie du progrès et pour échafauder des réformes, des projets de plus grande envergure, dignes des Marocains ». Décryptage : En tant que chef de l’État, je me suis attelé au travail dès mon intronisation et je continue à remplir ma part du pacte national en matière de choix stratégiques. Dans le domaine des grandes infrastructures (autoroutes, modernisation ferroviaire, construction de ports de première génération, énergies renouvelables…), tout d’abord. Une politique volontariste d’envergure qui a eu comme effet de faire entrer le Maroc dans les grandes chaînes de valeur mondiale (automobile, aéronautique, énergies propres, électronique, pharmaceutique …). Dans le domaine des réformes sociales, ensuite. La refonte de la Moudawana est une révolution sociale tout comme le sont la généralisation de l’assurance obligatoire et la formation des jeunes à travers la création des Cités des métiers et des compétences. Et last but not least, le nouveau modèle de développement , autre grande volonté royale, qui vise à « libérer les énergies et restaurer la confiance pour accélérer la marche vers le progrès et la prospérité pour tous».

A partir de cette valeur cardinale qu’est le sérieux, le souverain a dessiné les contours du Maroc qui gagne, à l’image de l’exploit historique de ses Lions de l’Atlas lors du mondial du Qatar, le Maroc capable de relever les défis de développement futurs.

En un mot, le Maroc a été placé, grâce à la mobilisation constante de son souverain depuis son intronisation en 1999, sur les rails du développement économique et social en le mettant en capacité d’atteindre les nouveaux objectifs du développement et la création de la richesse pour tous. Quid maintenant de la part des autres parties prenantes à ce grand contrat national ? Ont-ils fait véritablement preuve de sérieux dans l’accomplissement de leur mission en accompagnant cette dynamique royale tous azimuts par des programmes qui mettent le sens de la responsabilité au cœur de leurs priorités ? La réponse à cette question se trouve dans un certain nombre de dysfonctionnements visibles à l’œil nu. A commencer par le Maroc des villes et des campagnes plombé par une démocratie locale défaillante dopée à la corruption, aux passe-droits et autres détournements de fonds.

Le même déficit de sérieux touche profondément le fonctionnement des partis qui restent incapables de faire émerger et mettre à leurs commandes l’élite de demain et qui s’obstinent à ne coaguler que des profils qui ont tout sauf une idée désintéressée du sens et de la finalité de l’action partisane. Et puis, où est le sérieux dans ces politiques gouvernementales qui acceptent comme une fatalité indépassable les inégalités sociales, voire qui les accentuent, acculant au désespoir une bonne partie de la jeunesse et provoquant la fuite des cerveaux et l’exode des compétences ? La liste des manquements et des carences dans la gouvernance est douloureuse et cela soulève des doutes pour le coup très sérieux quant à la capacité des responsables et leur volonté en définitive de répondre concrètement aux hautes directives royales pourtant claires, progressives et de bon sens.

Ceux qui sont aux manettes ont souvent administré la preuve de leur efficacité lorsqu’il s’agit de dresser des obstacles sérieux devant la méritocratie et de faire des choix des hommes qu’il ne faut pas…L’antonyme du sérieux, selon la vision royale, ce n’est pas tellement l’inconséquence mais cette propension à céder à la facilité, aux effets d’annonce et aux fausses promesses en se cachant parfois derrière l’institution royale pour faire justement l’économie du sérieux dans le travail et l’atteinte des objectifs.

«Aussi longtemps que le sérieux est le moteur de nos actions, nous réussirons à renverser les difficultés et à relever les défis », a affirmé sur un ton optimiste le souverain dans son discours. Là où le bât blesse c’est que les commentaires de la classe politique post-discours ont donné à voir les mêmes immuables réflexes dans un flot indifférencié de langue de bois beniniouiste en forme de communiqués diffusés habituellement dans ce genre de circonstance. Même la majorité gouvernementale a sacrifié à cet exercice d’autosatisfaction béat , aux antipodes de toute entreprise de lecture sérieuse du contenu et des implications opérationnelles du discours royal afin de se remettre en cause, changer de méthode, ériger la responsabilité, l’éthique, le sens et la mesure des résultats dans la conception, le déploiement et l’évaluation de l’action. Un exemple, parmi d’autres de l’air du temps : dans une déclaration à la presse, le président RNI e la première Chambre Rachid Talbi Alami a indiqué que le discours royal de la Fête du Trône, « qui constitue une feuille de route pour l’avenir, a introduit un nouveau concept dans le langage politique marocain: le sérieux et que « le sérieux doit être de mise dans les choix et l’action et concerner tous les domaines ». Un telle déclaration à la fois choc et très sérieuse ne pouvait émaner que d’un homme qui se prend sans doute trop au sérieux…

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