Un réseau de triche high-tech démantelé à Agadir. Huit interpellations. Un jeune arrêté à El Hoceima. Motif : avoir monnayé les réponses des épreuves via WhatsApp…C’est le bilan du premier jour de l’examen du bac 2025. Chaque année, c’est le même scénario qui se répète, les élèves fraudeurs arrivant à déjouer les dispositifs de surveillance les plus draconiens.
La fraude au bac est considérée depuis 2022 comme un délit puni sévèrement par la loi (l’interdiction de passer le bac pendant une certaine période, une peine d’emprisonnement entre 6 mois et 5 ans assortie d’une amende pouvant atteindre 100.000 DH). Mais les sanctions encourues ne semblent pas avoir un effet dissuasif sur les élèves malhonnêtes qui prennent le risque de tricher. La question qui se pose : pour ceux qui se sont fait prendre la main dans le sacs, combien réussissent à passer entre les mailles du filet ? Les ministres de tutelle changent régulièrement sans que l’on sache pourquoi d’ailleurs. Mais pas l’état d’esprit général de l’école toujours aussi calamiteux . Blanc bonnet bonnet blanc. Le phénomène de la triche au bac gagne en sophistication et parvient, les progrès technologiques aidant ( oreillettes miniatures, montres connectées, applications de messagerie instantanée…), à résister à tous les efforts de lutte déployés.
Bonjour la guerre du bac. Une guerre livrée sur plusieurs fronts. La guerre contre les fuites devenues un jeu d’enfant, des différentes épreuves à la veille des examens. La guerre contre le matériel de la fraude de plus en plus perfectionné et sophistiqué. Ainsi va l’actu du bac depuis des années, reflet d’un système éducatif profondément déréglé. La terminale, qui a perdu son prestige, n’est plus traitée que par le fait divers. La justice s’en mêle. Psychodrames à répétition. Triste constat qui n’émeut pratiquement plus personne. On s’habitue finalement à tout. Y compris au pire. A l’inimaginable. Par lassitude. En faisant semblant que tout n’est pas perdu. Que l’espoir d’un sursaut est possible. Que l’école marocaine qui continue à engloutir sans obligation de résultats le tiers du budget de l’État est réformable. Belle illusion. C’est ainsi que la triche, à force de triompher, devient la norme et la probité qui recule dangereusement l’exception.
On éduque par l’exemple et les contre-exemples donnés en société, dont le dernier porte sur le trafic des masters, sont légion et aux antipodes des valeurs de probité et de l’effort…
Comment en est-on arrivé là? Par quel glissement sociologique, indigence intellectuelle ou délitement moral, le Maroc s’est-il laissé happer par cette spirale de la combine scolaire à grande échelle ? Le baccalauréat dans un système déjà dévalorisé ne vaut pas grand-chose. Mais consolons-nous : les bacheliers qui en sont issus justifient au moins d’un savoir-faire précieux en «fraudologie»…
Pourquoi ne pas organiser des concours dans cette discipline pour évaluer les aptitudes des candidats qui seront certainement nombreux à se présenter ? Les lauréats auront la noble tâche d’assurer la relève de leurs aînés, ces professionnels de la combine qui traversent bien des secteurs et dont le « métier » rapporte beaucoup plus que le travail et le sérieux. Or, c’est connu on éduque par l’exemple et les contre-exemples donnés en société, dont le dernier porte sur le trafic des masters, sont légion et aux antipodes des valeurs de probité et de l’effort… En principe, on réforme l’école pour transformer la société. Au Maroc, il faudra sans doute songer à réformer la société pour espérer transformer l’école. Voilà un sujet pour faire éventuellement blablater les experts en tout et rien dans les séminaires… La triche n’est plus, parait-il, l’apanage des examens du bac puisqu’elle a fait son entrée dans tous les examens de fin d’année du secondaire et peut-être même du primaire. On avance bien. Ça mérite une bonne note.
Par Abdellah CHANKOU