Le confinement général a révélé au grand jour, en l’exacerbant, une réalité peu reluisante : les Marocains ne sont pas tous logés à la même enseigne. Loin de là. Les conditions de vie ou plus tôt de mal-vie s’en trouvent compliquées pour les habitants des logements économiques, des quartiers populaires et des bidonvilles où le surpeuplement est la règle. En effet, ils sont plusieurs membres de la même famille à partager des espaces étroits dépourvus d’intimité et de confort, pourris d’humidité, à force que les rayons de soleil n’y pénètrent jamais. Ces habitations minuscules ne sont pas du tout adaptées à une vie familiale décente, telle qu’elles permettraient un minimum d’épanouissement. Pas même un balcon, figurez-vous, pour pouvoir respirer et applaudir les forces de l’ordre ou le personnel soignant pour leur dévouement ! Cette population subit déjà l’emprisonnement au quotidien. Lui demander de rester chez elle, les uns entassés sur les autres, pour empêcher la propagation du coronavirus, est une double peine. Comment supporter en plus la pénibilité de l’enfermement dans des conditions pareilles ? Comment respecter la distanciation sociale quand la promiscuité est incontournable ? C’est juste impossible. Si comme si vous disiez à quelqu’un de plonger dans une piscine sans se mouiller!
Les conséquences de cet urbanisme défaillant sur fond de spéculation foncière, produit d’une impéritie politique et locale chronique, sont aujourd’hui-là, effrayantes: Bombes à retardement urbaines, les zones d’habitations périphériques notamment à Casablanca sont devenues des foyers épidémiques qui ont contaminé des familles entières. Quelle parade pour juguler l’expansion de la contagion au sein de ces populations à risque ? Cette insécurité sanitaire retombe sur la communauté médicale de la capitale économique qui subit les contrecoups d’une réalité sociale porteuse de tous les dangers.
Comment respecter la distanciation sociale quand la promiscuité est incontournable ? C’est juste impossible. Si comme si vous disiez à quelqu’un de plonger dans une piscine sans se mouiller!
Maintes fois dénoncées sans qu’elles soient corrigées ou stoppées, les tares du logement social au Maroc sont nombreuses. Au nom de l’éradication des bidonvilles qui avaient essaimé à travers le pays dès les années 80, les pouvoirs publics ont encouragé en fait la construction de nouveaux bidonvilles en hauteur à coups d’avantages fiscaux accordés aux promoteurs immobiliers. Malgré une batterie d’exonérations exorbitantes, ces derniers se sont montrés insatiables, trouvant le moyen de s’enrichir encore plus aux dépens des pauvres propriétaires en fraudant sur les matériaux de construction et les équipements utilisés. Résultat : des malfaçons en pagaille et un livrable qui ne répond pas aux normes. Ces défaillances révèlent au fond une mentalité bien de chez nous qui veut que la modestie du prix payé doive être forcément synonyme de sous-qualité ou de non-qualité. Cette pratique s’est vérifiée de nouveau avec les masques grand public de Moulay Hafid à 80 centimes pièce : la modicité de leur tarif justifie leur mauvais état ! Si vous voulez avoir un dispositif de protection de meilleure qualité, eh bien il faut débourser plus !
Le made in Morocco, que le coronavirus a soudainement mis au-devant de la scène en le célébrant, ira loin le jour où les fabricants rompront définitivement avec « le travail à l’arabe », mal exécuté et entreprennent de mettre la fidélisation du client au centre de leurs préoccupations. Cette façon de faire, professionnelle et productive, est à rebours de la fameuse « lhamza », l’aubaine ou l’opportunité, qui caractérise généralement les relations de commerce entre Marocains, consistant à s’empresser de fourguer un produit très demandé dans la logique d’une opération commerciale juteuse sans lendemain. Les Marocains sont capables du meilleur à condition qu’ils utilisent leur génie à bon escient.