C’est dans un contexte de montée grandissante de la francophobie que Jean-Luc Mélenchon a débarqué au Maroc. Au programme : Entrevues avec quelques chefs ds partis locaux dont le patron du PPS Nabyl Benabdallah et des conférences devant des étudiants ainsi qu’une
visite dans le partie de la médina de Marrakech affectée par le séisme. Le leader de la France Insoumise ( LFI ) est en quelque sorte chez lui pour être natif en 1951 de Tanger, la belle Mariée du Nord, où il devait se ressourcer en flânant dans les dédales de sa merveilleuse médina.. Dans un paysage politico-médiatique majoritairement anti-migrant construit sur la discrimination, le discours de Mélenchon et ses idées politiques détonent et agacent en même temps ses adversaires qui dénoncent ses prises de position radicales, allant jusqu’ à l’accuser de véhiculer une «idéologie antirépublicaine ». Au Maroc, où il bénéficie de préjugés favorables, Jean-Luc Mélenchon, qui a au demeurant très peu de chances de présider un jour aux destinées de son pays en raison justement de son ADN politique, est perçu différemment. Pour une partie de l’élite marocaine, ce tribu politique au verbe haut incarne la France que les Marocains aiment et qu’elle est de moins en moins sous la présidence de Macron : tolérante dans la diversité, ne stigmatise pas les musulmans et respecte les valeurs du vivre-ensemble. Il faut dire que le patron de LFI, qui pèse 75 députés dans une coalition politique de gauche, la Nupes, qui en compte 150, soit la deuxième force politique du pays, est le seul à dénoncer l’islamophobie ambiante en se posant en défenseur sincère des musulmans. Tout le contraire d’un Eric Zemmour ou d’une Marine Le Pen obnubilés par le migrant dont ils ont fait leur fonds de commerce partisan. Vue du Maroc, la France de Macron suscite le rejet au point que les appels à se détacher officiellement de la langue de Molières au profit de celle de Shakespeare se multiplient un peu partout. Le Maroc est dans son bon droit de chercher à s’ouvrir sur le multilinguisme et rien ne l’empêche d’adopter l’anglais, l’espagnol et même le mandarin dès le préscolaire. Et puis, les missions françaises établies au Maroc, au vu des frais scolarité exorbitants, voire scandaleux qu’elles pratiquent, font payer très cher aux parents dont les enfants sont scolarisés ans ce système le fait de parler français et de promouvoir la francophonie.
Un grand paradoxe qui met en lumière l’éloignement de la France des chemins de la coopération vraie et sincère que seul l’Etat espagnol preserve au Maroc avec ses écoles historiques offrant un bon rapport qualité-prix. En tout cas, ce n’est pas là le meilleur moyen pour faire rayonner le français et la culture française dans le monde… Surfant sur ce sentiment anti-français grandissant, un ministre, celui du Commerce et de l’Industrie a même cru politiquement correct de livrer une déclaration en espagnol et en anglais aux journalistes en marge d’un événement organisé récemment à Marrakech. Prospérant sur la dégradation des relations entre Rabat et Paris, l’anti-francisme est un produit vendeur qui fait du buzz et dans ce sens toutes les idées sont les bienvenues, à l’image de l’appel lancé récemment sur les réseaux sociaux d’instaurer le principe de réciprocité entre la France et le Maroc en matière du régime des visas. Plus facile à dire qu’à faire compte tenu de l’importance des liens économiques entre les deux pays, le volume considérable des touristes français dans les flux en direction du Royaume et l’ imposante diaspora marocaine vivant sur le sol français. Mais qu’importe! La France de Macron ne prête le flanc et ce n’est pas que légèrement… Dans ce french bashing nourrie par diverses frustrations liées notamment aux refus souvent injustifiés des visas, toutes les limites ont été franchies. Les séquences montrant la France sous son plus mauvais jour sont postées et partagées à grande échelle.
Prospérant sur la dégradation des relations entre Rabat et Paris, l’anti-francisme est un produit vendeur qui fait du buzz et dans ce sens toutes les idées sont les bienvenues, à l’image de l’appel lancé récemment sur les réseaux sociaux d’instaurer le principe de réciprocité entre la France et le Maroc en matière du régime des visas.
Les railleries qu’elle essuie sur l’invasion du pays par les punaises de lit en fournit une bonne illustration. On a aussi vu émerger des vidéos mettant en scène des citoyens marocains lambda interpellant directement le président Emmanuel Macron en des termes plus ou moins courtois. C’était suite à son adresse depuis son compte X «Aux Marocaines et aux Marocains», geste diplomatiquement maladroit, voire pervers, dans le sillage de la décision des autorités marocaines de ne pas retenir l’offre de service humanitaire de sa France, la France de Macron. S’il y’avait une petite chance de dépasser ce désamour, les attaques médiatiques irrévérencieuses à l’endroit du souverain émanant d’une certaine presse hexagonale visiblement en service commandé ont réussi à la torpiller. C’est avec cette France-là, incarnée depuis l’arrivée en mai 2017 de la Macronie qui renvoie y compris en interne l’image d’une entité arrogante et suffisante, que le courant ne passe plus dans les cercles du pouvoir à Rabat. Dénoncée par de nombreuses voix et non des moindres autant de droite que de gauche (de Sarkozy à Ciotti en passant par Strauss Kahn, Mélenchon et Rachida Dati…) cette Macronie-là a péché par son désir obsessionnel et même ostentatoire de plaire à l’Algérie de la mafia en treillis au détriment du Maroc et de ses intérêts supérieurs incarnés par le dossier du Sahara marocain où Paris s’entête à s’en tenir à une position de neutralité qui n’arrange plus Rabat. Cette rigidité française pourrait être l’expression d’une méconnaissance ou de sous-estimation à la fois considérable et stratégique du Royaume dans la relation maghrébine de la France. En politique, confondre les torchons et les serviettes, les chevaux et les tocards, ça se paie cash. Et la facture s’alourdit davantage lorsque l’on néglige de s’inscrire dans les bouleversements de la tectonique des plaques géopolitiques.
L’humiliation que subit la France dans ses bastions africains traditionnels est à lire à l’aune de cette mauvaise lecture par le locataire inexpérimenté de l’Élysée du nouveau chapitre des relations internationales qui s’est ouvert. Dans ce contexte de crise diplomatique exacerbée entre le Maroc et la France, amis d’hier au bord de la rupture, les déçus de la France ont tendance à vouloir jeter le bébé avec l’eau du bain et ne pas établir de distinction entre la France et la France de Macron. Or, l’une est loin d’être représentative de l’autre et vice-versa. Ce qui est en cause, ce n’est pas la France en tant qu’identité culturelle mais une certaine conception de la France par le pouvoir en place et son rapport à ses nouveaux défis. Ce décalage est symptomatique du passage à vide que connaît la France pas seulement dans sa vision du monde mais aussi dans sa propre gouvernance intérieure. La nécessité d’un aggiornamento ne fait aucun doute. La temporalité politique n’est pas la même au Maroc et en France. Si la Macronie, qui expire en 2027, a changé la France dans le mauvais sens en aggravant son déclinisme, le Maroc millénaire reste, lui, immuable dans sa lecture tournée vers l’avenir des enjeux planétaires et de ses partenariats stratégiques.