La rougeole, crise sur le gâteau…

Il va sans dire que l’efficacité d’un gouvernement est appréciée principalement à l’une de son aptitude à gérer des crises en lui apportant les réponses appropriées. Sur ce registre, force est de constater que l’exécutif a montré bien des signes de faiblesse. Au grand test de la vie chère, l’échec est indiscutable en raison de son incapacité à juguler la hausse des prix de l’alimentation nonobstant la défiscalisation dont a bénéficié notamment l’importation des viandes rouges. Garder son capital confiance et maintenir sa cote de popularité lorsqu’on ne réussit pas à préserver le pouvoir d’achat des classes démunies, qui ont propulsé la majorité actuelle aux commandes, relève de la gageure. Dans ces conditions, il faut s’attendre au retour de manivelle. Ce ratage, qui alimente la grogne sociale, fait écho à un autre plantage à caractère communicationnel: la rougeole dont la propagation a pris des proportions inquiétantes depuis quelques mois. Alors que la résurgence de cette épidémie a fait jusqu’ ici 120 morts et contaminé plus de 25.000 personnes, le jeune ministre de tutelle, Amine Tahraoui, ne s’est pas exprimé sur cette catastrophe sanitaire, s’emmurant bizarrement dans un silence de cimetière.

L’homme-lige de M. Akhannouch considère-t-il que le décompte n’est pas assez macabre pour le faire sortir de son mutisme ? Tout se passe en effet comme s’il n’était pas concerné par ces drames et qu’il avait débarqué au gouvernement à la faveur du dernier remaniement juste pour remettre en cause les appels d’offres lancés par son prédécesseur ! On n’a pas entendu non plus le ministre de l’Éducation nationale, Mohamed Saad Berrada, un autre proche du chef du gouvernement, sur cette crise sanitaire qui le met pourtant en première ligne puisqu’ elle touche les enfants scolarisés aux quatre coins du pays. Deux attitudes troublantes qui provoquent un certain malaise et montrent au passage que ce cabinet n’a pas été vacciné contre les erreurs de casting. Résultat : le ministre de la Santé a été convoqué par les groupes de l’opposition pour venir s’expliquer au Parlement et détailler les mesures prophylactiques prises par son département pour juguler cette épidémie.


Face au scepticisme généralisé envers les sources officielles, un plan national d’immunisation contre l’intox s’impose.

Ne faudrait-il pas diligenter une enquête pour déterminer les responsabilités dans la propagation de ce virus et le décès de plusieurs dizaines de citoyens? Doit-on toujours, comme c’est le cas dans ce genre de situations dramatiques, invoquer la fatalité pour évacuer la responsabilité politique ? Ce n’est ni normal, ni juste que des Marocains meurent dans de telles circonstances sans que les responsables ne soient même pas interrogés. Le temps n’est-il pas venu de demander aux ministres de rendre des comptes sur les négligences coupables commises éventuellement dans l’exercice de leurs fonctions ? Pour moins que ça, dans d’autres pays, les gouvernants démissionnent. Cela participe de l’éthique au pouvoir, guidée par le souci de crédibiliser les institutions élues et de préserver la confiance des citoyens dans la vie démocratique. On en est loin. En attendant que le Maroc s’engage sur cette voie politique vertueuse, il est indéniable que le gouvernement pâtit d’une insuffisance côté communication que ne saurait combler le seul porte-parolat officiel avec sa langue de bois pédantesque. Et quand l’information déserte le terrain politique, c’est la rumeur ou l’intox qui prend le relais.

Le porte-parole du gouvernement, Mustapha Baitas, s’est contenté justement d’attribuer la recrudescence de la rougeole à une baisse significative de la vaccination due à ses yeux au phénomène de la désinformation sur les réseaux sociaux. Soit. Mais que fait le gouvernement pour contrer l’épidémie de l’intox virtuelle sur les dangers supposés des vaccins, qui a prospéré dans la foulée du covid-19 et de ses drames ? Quelle stratégie gouvernementale pour contrer les fake news déversés à jet continu sur les plates-formes numériques ? Quels moyens déployer pour faire pièce à la manipulation de l’opinion publique en vue de l’aider à identifier les sources fiables et à évaluer la crédibilité d’une information ? Face au scepticisme généralisé envers les sources officielles, un plan national d’immunisation contre l’intox s’impose. Il n’y a pas que la propagation de la rougeole qu’il faut combattre. Tout aussi vital est le combat qui doit aussi être mené contre la diffusion de fausses informations dans un monde de plus en plus connecté…

Par Abdellah Chankou

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