Le gouvernement en quête d’un nouveau souffle

Moins de six mois après sa formation, le gouvernement Akhannouch donne déjà des signes d’essoufflement patents. C’est désormais plus qu’un ressenti, une certitude : Quelque chose de fondamental manque à cette équipe pour trouver ses marques et donner le meilleur d’elle-même : Un recadrage de son action par la cooptation de nouveaux profils capables de donner corps aux engagements de l’exécutif, consignés dans sa déclaration de principe. Pour cela, une seule solution : un remaniement. La rumeur court déjà dans les couloirs ministériels. Avec cette question lancinante : Qui sera appelé à faire ses cartons ? Pas besoin de jouer les délateurs zélés.  Les concernés sauront se reconnaître. Comme dans toute équipe, il y a des éléments d’inégale valeur, côté compétence, technicité et surtout occupation du terrain. Cette réalité éclate au grand jour, devenant même évidente pour l’observateur lambda, dans les mois qui ont suivi la constitution du gouvernement actuel.

Dans le cabinet Akhannouch, les ministres ; disons-le tout de go, n’ont pas tous la même étoffe ; certains sont plus entreprenants que d’autres, montent au front et donnent l’impression de maîtriser leurs sujets. Cela donne en fin de compte un gouvernement à deux vitesses. Ceux qui se battent malgré la difficulté liée à une conjoncture de toutes les contraintes pour donner de la visibilité à leur travail, et   les autres qui sont en retrait, enclins à s’endormir, comme tétanisés par la tâche qui est la leur. Peur de trébucher ? Peut-être. Manque d’expérience ? Sans doute. Ou les deux à la fois. Pour le chef du gouvernement, le capitaine d’équipe, comptable du bilan de ses hommes, le manque d’initiative pour une raison ou une autre n’a pas de raison d’être, car un ministre est là non pas pour compter les jours qui passent mais pour régler les problèmes du pays. Et Dieu sait qu’ils sont nombreux et complexes, et ont besoin d’être pris à bras-le-corps. Or, il n’y a pas plus mortel pour un gouvernement, nonobstant sa bonne volonté, que les erreurs de casting qui finissent par plomber l’ambiance et rejaillir sur la qualité de l’ensemble. Et pourtant, le gouvernement Akhannouch a démarré sous de bons auspices. Une équipe compacte qui rompt avec les cabinets pléthoriques à souhait de naguère, des visages nouveaux qui nous changent des vieux chevaux de retour, une majorité formée de trois partis, aux antipodes de ces coalitions gouvernementales saturées d’enseignes politiques qui jouent les forces ou plutôt les farces d’appoint, et last but not least un Premier ministre d’expérience et d’expertise qui a donné entière satisfaction dans le service de l’État en tant que ministre de l’Agriculture et de la Pêche maritime. Mais qu’est-ce qui a dysfonctionné pour que le besoin de remanier l’équipe se fasse sentir plus tôt que prévu ? La réponse se trouve en grande partie dans le choix de certaines femmes et hommes qui auraient été judicieux si la richesse du CV était réellement un critère d’excellence et de compétence, un gage d’engagement et d’efficacité au travail. Ce qui n’est pas évidemment le cas.

Le Maroc a besoin de ministres politiques qui viennent de quelque part, justifiant d’un parcours dans la militance, d’une connaissance empirique des règles de gestion et disposant d’un ancrage local.

Prenons par exemple le secteur du Tourisme que votre serviteur connaît un peu pour en avoir été un opérateur dans une autre vie. Un professionnel qui connaît les ficelles du métier et ses techniques possède les prérequis – pour faire un bon ministre – qui ne s’acquièrent  que dans l’exercice de la profession d’agent de voyages, d’hôtelier ou de patron d’une compagnie aérienne. En plus de parler le langage des parties prenantes – ce qui est essentiel dans la création de l’adhésion et partant de l’atteinte des objectifs -, il connaît, de par son expérience, les leviers qu’il faut actionner (aérien, TO, marchés émetteurs, les freins en interne, …) pour booster l’activité et en faire une industrie à la hauteur de l’immensité du potentiel touristique national. Un coup dans le rétroviseur et vous vous apercevrez que le tourisme dans ce pays n’a pas eu beaucoup de chance côté choix des tuteurs qui ont été systématiquement choisis en dehors de la corporation.

Tant qu’à repeindre, autant repeindre un professionnel à la compétence reconnue. Imaginez une personne qui se fait bombarder du jour au lendemain ministre du Tourisme et décide pour son avenir et de ceux qui y travaillent alors qu’elle ne connaît même pas les différents services d’un hôtel… Moralité : Un candidat bardé de diplômes, crédités de tel ou tel exploit professionnel, qui déborde même de qualifications, ne fait pas forcément un excellent ministre, surtout s’il se voit confier un portefeuille éloigné de sa formation et de son métier de base. Dans le meilleur des cas, il sera à contre-emploi et dans le pire il fera des dégâts.  En plus de la maîtrise des dossiers, entrent en ligne de compte d’autres paramètres comme le tempérament, les réseaux et tout simplement le bons sens. Oui aux ministres technocrates mais qui ont de l’envergure et maîtrisent leurs dossiers. Oui à des ministres politiques mais à condition qu’ils soient assistés de secrétaires d’État reconnus pour leur technicité dans tel ou tel domaine.

Le Maroc a besoin de ministres politiques qui viennent de quelque part, justifiant d’un parcours dans la militance, d’une connaissance empirique des règles de gestion et disposant d’un ancrage local ou d’une assise populaire qui ne s’obtient naturellement  que par le suffrage universel. Greffes qui ne prennent pas, le parachutage et le coloriage politique ont montré suffisamment leurs limites pour revenir pour de bon aux fondamentaux de l’exercice du pouvoir.

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