«Nous devons être plus ambitieux. Pourquoi ne pas gagner la Coupe du Monde ? Quand l’envie et l’énergie sont là, tout est possible ». C’est ce que le coach Walid Regragui dit avoir fait comprendre à ses joueurs Les mots de la « tête d’Avocat » n’ont rien d’une trouvaille et en tenant ce discours à ses poulains, il n’a fait qu’enfoncer des portes ouvertes. Mais le mérite de ce sélectionneur réaliste et engagé se situe certainement ailleurs. Essentiellement dans la capacité dont il a fait montre à transformer radicalement l’état d’esprit des joueurs en leur insufflant, dans une dynamique de groupe positive, l’envie de gagner avec les valeurs de leur pays natal, notamment via (l’intention de bien faire). Visible tout au long de leur parcours phénoménal, cette transformation, le public l’a palpée dans toutes les rencontres que leur équipe a disputées et remportées.
Au-delà des qualités techniques des uns et des autres, on les sentait cette fois plus combatifs et animés d’une telle confiance de soi qu’ils se sont souvent surpassés en se battant comme de vrais lions. Avant, les Lions de l’Atlas entraient dans les matchs déjà défaits avec peut-être même dans le ventre la peur de gagner et un mental pas assez fort pour vaincre leurs adversaires. Et c’est ce qui avec le recul pourrait en grande partie expliquer, conjuguée à une absence de stratégie de jeu adaptée en fonction des plans de l’adversaire, leur contre performance en série lors des compétitions précédentes en Coupe d’Afrique et en Coupe du monde.
Enfin l’homme qu’il faut à la place qu’il faut qui a en l’espace de trois mois a réussi à relever un grand défi : changer le logiciel du groupe dont il a hérité.
De Casablanca à Dakar en passant par Le Caire, Doha et Gaza…Aux quatre coins de la planète, Les Lions de l’Atlas ont été célébrés en héros pour avoir montré un autre visage. Ils n’ont pas seulement rugi mais ils ont bouffé leurs adversaires les plus coriaces. Exploits d’autant plus exceptionnels qui ont soulevé les foules et subjugué les experts du ballon rond que c’est la première fois qu’une nation arabe et africaine accède aux demi-finales d’une coupe du monde. Contrairement aux éditions précédentes inscrites sous le signe peu flatteur d’« un tour et puis il s’en vont », les ingrédients de la réussite sont cette fois au rendez-vous. Ne pas douter de ses capacités, ne rien lâcher face à l’adversité et se battre jusqu’au bout. Sans complexes… C’est la définition même de l’envie de gagner. Sur un autre plan, l’épopée du Onze national au Qatar est porteuse d’autres enseignements. Elle a le mérite de briser cette culture de l’échec dont le Maroc s’est jusqu’ici accommodée à force de ratages qui ne donnaient même pas lieu à des questionnements ou à des remises en cause, encore moins à une reddition des comptes. Ce défaitisme qui a fini par être intériorisé par les responsables s’est traduit par un manque d’ambition couché noir sur blanc au niveau des objectifs fixés aux coachs majoritairement étrangers qui se sont succédé. Petits objectifs se limitant à une qualification à la Coupe du monde, comme ce fut le cas avec Vahid Halilhodzic, ou tout au plus à la finale de la Coupe d’Afrique. L’objectif n’est jamais de ramener le trophée à la maison alors que l’enjeu pour toute équipe, indépendamment de son niveau, est de gagner le trophée. En vérité, on mettait les moyens en termes de budget et de logistique mais pas l’ambition censée aller avec. En cause, toujours cette absence de confiance en soi et ce manque d’ambition.
En remplaçant le coach bosniaque qui s’est distingué moins par ses résultats que ses conflits spectaculaires avec certaines stars des Lions notamment Hakim Ziyech qu’il a exclus de la sélection pour indiscipline, le président de la FRMF Fouzi Lekjaa a eu la main heureuse. Il a fait le bon choix. Enfin l’homme qu’il faut à la place qu’il faut qui a en l’espace de trois mois a réussi à relever un grand défi : changer le logiciel du groupe dont il a hérité. Comment ? En faisant sentir avec les accents de la sincérité aux joueurs marocains de l’étranger, souvent critiqués par le public sur la faiblesse de leur engagement en sélection nationale au lendemain des déroutes footballistiques, qu’ils sont des Marocains même s’ils sont nés comme lui en Europe et qu’ils doivent de ce fait mouiller le maillot, privilégier la force du collectif et se battre férocement pour le drapeau national. Ce sont pourtant les mêmes joueurs qui ont disputé les dernière coupe d’Afrique et celle du monde avec les résultats peu satisfaisants que l’on sait. Mais aucun coach avant lui n’a su jouer sur leur fibre patriotique, les souder autour de la fierté d’appartenance au Maroc et ses valeurs emblématiques . Principalement la famille où la figure maternelle, vénérée au plus haut point, tient une place particulière. C’est au nom de cet attribut fondamental que les mamans de certains joueurs ont été invitées – puissant facteur de motivation supplémentaire – à assister aux matchs de leurs enfants. C’est ce qui a permis de donner lieu à des séquences émouvantes qui ont fait le tour du monde montrant les Boufal, Hakimi et Regragui, courir après la fin de leurs matchs victorieux. Collant aux valeurs du pays et puisant dans les ressources insoupçonnées de son équipe, la démarche de Walid Regragui donne à voir les ressorts d’un coaching nouveau et gagnant. Il y a là assurément matière à inspiration pour bien des dirigeants fâchés avec la culture de résultats et de le goût de la performance.