Le pouvoir de la paperasse

Le Maroc est un pays qui adore si bien la paperasse de préférence légalisée et ornée de divers cachets qu’il a du mal  à vivre sans ou à en alléger le fardeau.  Une addiction bien marocaine malgré toutes les cures de désintoxication prescrites par la loi 55.19 visant la simplification des procédures et formalités administratives, adoptée dans le sillage du discours du Trône de 2018 comme le levier de la modernisation de l’administration et de la facilitation de la tâche aux citoyens. Or, ces derniers sont toujours obligés de se coltiner des épreuves difficiles et des situations invraisemblables en  fréquentant de manière assidue  les services de légalisation des communes  pour légaliser leurs signatures apposées  sur le moindre document ou certifier les copies conformes en pagaille. Vous voulez vendre une voiture ? Vous êtes tenu ainsi que l’acheteur de vous présenter physiquement  devant le service concerné pour signer l’acte de vente, le fameux triptyque 3 volets gris avec reproduction  de la signature des deux parties sur le fameux grand registre noir… Même topo pour l’achat d’un véhicule à crédit. Il faut apposer sa signature en bas d’un amas de documents et accepter de perdre  quelques heures pour se farcir les joies de la légalisation des contrats et autres engagements… Dans ce maquis administratif, l’usager n’est pas sorti de l’auberge, sa signature ayant une durée de validité de trois mois seulement  et au-delà, il faut renouveler l’exercice pour n’importe quel papier, carte d’identité nationale ou acte de mariage… Qui a dit que l’administration n’est pas proche des citoyens ?… Si par malheur, vous égarez votre diplôme par exemple, c’est la galère assurée, la copie conforme devenant périmée au bout de 90 jours… Pour les usagers obligés de « copie-conformer » d’innombrables fois dans l’année, il serait intéressant que la commune leur offre une carte fidélité donnant lieu à certains avantages comme la réduction des délais d’attente qui s’allongent à souhait ou la dispense de la présence physique de l’intéressé par les jours de canicule.

Pour les usagers obligés de «copie-conformer» d’innombrables fois dans l’année, il serait intéressant que la commune leur offre une carte fidélité donnant lieu à certains avantages comme la réduction des délais d’attente qui s’allongent à souhait ou la dispense de la présence physique de l’intéressé par les jours  de canicule.

Si vous êtes un investisseur, vous êtes censé disposer de trésors de patience pour attendre et de suffisamment de sang froid pour ne pas s’énerver. Entre l’obtention du certificat négatif et autres documents, le rendez-vous auprès du Centre régional d’investissement (CRI), le modèle J du tribunal de commerce et l’ouverture du compte bancaire, il faut compter en moyenne deux semaines pour créer son entreprise. Les formalités classiques à accomplir restent fastidieuses en l’absence d’une dématérialisation du processus de création d’entreprise. Résultat : le porteur de projet  ou son mandataire est obligé de se présenter physiquement avec tout le dossier de demande d’immatriculation devant les agents du CRI après avoir préalablement obtenu la date du rendez-vous sur la plateforme dédiée du centre. Cette étape  n’a rien d’une simple formalité, les dates proposées étant souvent pour des raisons mystérieuses  assez lointaines et pour faire avancer la date au jour voulu, il faut faire appel au coup de pouce d’un ami dans l’administration ou mobiliser d’autres procédés moins avouables. Or, la digitalisation, célébrée juste dans le discours officiel,  a du mal à s’installer  sur le terrain alors qu’elle représente la clé pour la simplification des démarches administratives et juridiques et la réduction des délais d’attente qui restent encore longues au Maroc : deux semaines contre  deux jours à Dubaï. Le secret ? La création d’un guichet unique électronique qui joue le rôle d’interface  pour toutes les formalités d’enregistrement et d’immatriculation de l’entreprise.

Chez nous, bien des entrepreneurs se trouvent découragées  face à un tel parcours du combattant où le porteur du projet doit suivre personnellement  son dossier auprès du CRI qui ne prend pas la peine de l’aviser  quand il est prêt. Ces organismes qui sont désormais  placés sous la tutelle du chef du gouvernement après avoir  été  depuis leur création des antennes du ministre de l’Intérieur gagneraient à faire leur révolution numérique dans le sillage de l’adoption de la nouvelle charte de l’investissement. Pour la constitution des coopératives régies par la loi 112.12, les procédures sont encore plus complexes et le temps d’attente plus long   à cause d’une multitude d’interlocuteurs et des  documents à signer et à légaliser en plusieurs exemplaires avant d’effectuer le dépôt légal auprès du tribunal. Alors que le numérique, dont les avantages ne sont plus à démontrer, prend de plus en plus de place dans le monde des affaires, l’acte d’investir au Maroc reste encore alourdi par la persistance d’un dispositif hybride où le papier tient encore le haut du pavé.

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