Le retour de l’Etat-providence

Partout dans le monde, l’Etat, dont la marge de manœuvre a été considérablement réduite par les multinationales et le lobby ultralibéral mondialiste, est revenu en force à la faveur de la pandémie du Covid-19. C’est le retour de l’Etat-providence ou providentiel, cette puissance publique, mise sous tutelle par le pouvoir de l’agent au point de lui dicter la marche à suivre. Elle est montée aussitôt au créneau pour exercer ses missions régaliennes qui n’ont jamais été aussi complexes, et jouer les pompiers face à un virus ravageur : soigner les malades qui arrivent par milliers dans les hôpitaux, passer commande du matériel médical nécessaire, débloquer des fonds de soutien aux plus fragiles, faire tourner la machine économique pour maintenir le pays en vie et  faire rétablir l’ordre et la discipline en matière de confinement général. D’une ampleur inédite, cette mobilisation étatique sans précédent est admirable et a fait réaliser du coup à tout un chacun que l’Etat, que certains croyaient juste bon à édicter des règles que les puissants s’arrangent pour contourner,  est le vrai rempart contre les terribles coups du sort, le bouclier qui reste debout lorsque les marchés et les lobbys sont à terre et l’appareil productif à l’arrêt.

Aux quatre coins de la planète, l’Etat a repris les choses en main, parant au plus urgent pour éviter l’effondrement total du système. Le Maroc ne fait pas exception où les pouvoirs publics, étaient avant le Covid-19  la cible des attaques d’un groupe de nihilistes virtuels qui  réclamaient moins d’autorité au nom d’une liberté mal comprise.

Critiqué, voire vilipendé souvent à tort sur les réseaux sociaux, l’Etat marocain a montré aussitôt sa force et son extrême utilité dès l’avènement de la crise en prenant les bonnes décisions. Privilégier l’impératif de sauver la vie des Marocains plutôt que l’activité économique est sans conteste la marque d’un grand roi, qui n’a pas la main qui tremble,  aux commandes d’un Etat séculaire qui se préoccupe de sa population et qui en a vu d’autres au cours de sa longue histoire.

Du coup, les bien-pensants qui daubaient jusqu’ici sur le Makhzen, qu’ils jugeaient archaïque, incarné par le mokaddem et le qaid, se sont vus cloués le bec. Ils sont aujourd’hui tout contents d’avoir ces auxiliaires de l’autorité pour faire respecter les règles de l’état d’urgence sanitaire dans un pays où le laxisme,  très en forme en temps normal,  peut cette fois coûter cher à la collectivité.

Les bien-pensants qui daubaient jusqu’ici sur le Makhzen, qu’ils jugeaient archaïque, incarné par le mokaddem et le qaid, se sont vus cloués le bec.  

Ce virus a fait réaliser à plus d’un que le travail titanesque accompli par les agents d’autorité et leurs collègues policiers, gendarmes et les fameux chabaconi (ça va cogner) est sans commune mesure avec leur fiche de paie maigre comparativement à celle d’une flopée de professions publiques qui aujourd’hui sont en dernière ligne dans le combat contre le virus. Les métiers essentiels, qui méritent considération et valorisation, ne sont pas ceux que l’on croit !  

De la France, à l’Espagne en passant par le Royaume-Uni et l’Italie, tous, y compris les chantres d’une privatisation à outrance, la prise de conscience est générale: le capitalisme est un système bien fragile qui a dopé l’individualisme au détriment de la communauté. Au Maroc, si la situation est sensiblement différente en ce sens que le pays a préservé malgré des vents contraires un socle de solidarité sociale précieux, cette crise sanitaire a donné en revanche une résonance particulière à certains dysfonctionnements chroniques liés au massacre de l’école publique et à l’indigence des moyens alloués à la santé. Ces deux missions, l’éducation et la santé, pourtant de puissants leviers de développement humain et de réduction des inégalités, ont été curieusement sous-traitées au privé au nom de l’on sait quelle idéologie. Cette dérive a eu comme conséquence de réduire des usagers pleinement citoyens au statut de clients consommateurs livrés à la rapacité d’un secteur payant obnubilé par le profit ; rien que le profit. Or, le savoir et la santé ne sont pas une marchandise et le démantèlement de ces services publics aura été une grosse erreur. Permettre aux Marocains d’être des acteurs responsables, avisés et unis dans la quête de leur développement est le grand défi du jour d’après.

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