Les COP et leur air de déjà-vu

Abdellah Chankou

C’est à Bakou en Azerbaïdjan, la capitale d’une ancienne république soviétique, qui tire l’essentiel de sa richesse des hydrocarbures, que se tient du 11 au 22 novembre 2024 la COP 2029. Un pied de nez aux détracteurs des énergies fossiles, considérées comme les principaux émetteurs du gaz à effet de serre. 

Alors que l’état de la planète se dégrade de jour en jour sous nos yeux (sécheresse à répétition, températures caniculaires, cyclones, crues dévastatrices, feux de forêt gigantesques …), les COP, censées permettre le ralentissement du réchauffement climatique et le sauvetage de la planète, se suivent et se ressemblent. Un raout mondial alimenté de promesses non tenues des dirigeants du monde sur la réduction du gaz à effet de serre. La 29ème du genre ne va certainement pas déroger à la règle. Mais elle a ceci de particulier qu’elle se tient dans un contexte climatique mondiale pire que l’on pouvait imaginer en raison de l’intensification des phénomènes climatiques extrêmes. Un rapport des Nations Unies pour l’Environnement ( PNUE) indique que la planète reste à mille lieues de l’objectif de 43% de baisse des émissions mondiales fixé par l’Accord de Paris pour 2030. D’après l’Organisation météorologique mondiale (OMM), la température moyenne à la surface du globe a franchi un cap fatidique en dépassant entre janvier et septembre 2024 de 1,54 °C la moyenne préindustrielle.

Les décideurs du monde, tenus par les magnats du pétrole et du gaz, continuent à appuyer sur l’accélérateur de la pollution alors que les alertes se multiplient. La dernière catastrophe en date, des crues meurtrières, a frappé la région de Valence en Espagne. Tous les clignotants météo sont au rouge. La terre n’a de cesse d’envoyer des SOS à ses habitants. Attention, danger. Il y a urgence à agir. Vite et avec efficacité. Sans résultat pour le moment à cause des consciences endormies qui font peu de cas de l’état de la planète et des générations futures.

Or, ce sont les pays les plus pauvres et en voie de développement, qui ne sont pas responsables du massacre de la terre, qui paient un lourd tribut aux dérèglements climatiques. Pour les catastrophes naturelles qui les touchent de plein fouet, ces pays essentiellement africains réclament aujourd’hui à l’unisson une compensation financière. Le principal enjeu des COP tourne toujours autour de l’argent que les grands pollueurs rechignent à débloquer alors que les experts estiment aujourd’hui à 1000 milliards de dollars par an l’aide climatique à verser aux pays en développement afin de les accompagner dans leur adaptation aux changements climatiques. Mais ce que les pays avancés, les USA et l’Europe en tête, ont contribué, sur près de deux siècles d’industrialisation intensive, à détruire, peut-il être réparé par les seules aides financières ? En fait, les puissances donatrices ne sauraient être quitte en indemnisant juste les pays vulnérables en leur déclarant : « prenez de l’argent et débrouillez-vous avec vos tracas climatiques ». Ce serait faire preuve d’une grande irresponsabilité que de raisonner ainsi.

Les pays du sud sont en droit d’exiger des pays industrialisés beaucoup plus que de simples financements : un accompagnement bien plus ambitieux qui englobe un transfert de technologie lié aux énergies propres, couplé avec une aide soutenue à la promotion de nouvelles stratégies de reconversion. C’est une dette incontestable que les pollueurs ont envers les pollués. Prenons l’exemple du Maroc qui, à l’instar de nombre de pays du sud, est affecté sévèrement par ces chamboulements climatiques qui ont bouleversé l’équilibre naturel de la planète : sécheresse, désertification, rareté des précipitations, stress hydrique… Cette réalité, les Marocains, surtout du monde rural, la subissent désormais chaque jour dans leur quotidien. Avec tout ce que cela implique comme menace réelle sur le système de fonctionnement des systèmes agricoles. Une terre qui a soif ou une oasis ravagée par le feu, c’est des paysans par millions, déjà vulnérables, qui s’appauvrissent encore plus. Là où l’on voit que les rejets néfastes dans l’atmosphère des nations riches impactent terriblement la vie des populations des pays défavorisés…En clair, la responsabilité du monde industrialisé, les malheurs d’une bonne partie de l’humanité (famine, exode climatique, malnutrition…), est clairement engagée…

Les décideurs du monde, tenus par les magnats du pétrole et du gaz, continuent à appuyer sur l’accélérateur de la pollution alors que les alertes se multiplient.

Mais pourquoi le Royaume, victime des émissions de CO2 des autres (le Maroc n’émet pas en une année ce que les USA rejettent en quelques jours dans l’atmosphère) doit-il prendre seul en charge le financement pour plusieurs millions de dollars du complexe Noor de Ouarzazate ? Idem pour la production industrielle d’hydrogène vert dont le Maroc a fait le pivot de sa transition énergétique.

Ce genre de technologies innovantes et très coûteuses, censées générer cette révolution technologique verte que tout le monde appelle de ses vœux, doivent normalement être financés, selon le principe de faire payer les pollueurs, par les nations qui ont épuisé depuis longtemps leurs droits d’émission de CO2 et qui continuent à enfumer la planète terre à grande échelle.

Or, ce n’est ni juste ni équitable que le Maroc, pays aux ressources limitées, supporte tout seul les conséquences de cette fâcheuse situation provoquée principalement par les activités polluantes des autres nations. Dans son discours empreint de clarté et de franchise, adressé le 30 novembre 2015 aux participants à la COP 21 à Paris, S.M le Roi Mohammed VI a posé avec les accents de la sincérité le problème en des termes on ne peut plus clairs : « La crise climatique est l’ultime injustice qui frappe les plus vulnérables et les effets du changement climatique concernent autant, sinon plus, les pays en développement, surtout les États d’Afrique et d’Amérique latine les moins avancés ainsi que les petits États insulaires », a affirmé le souverain tout en enfonçant le clou par cette interrogation qui en dit long: « Est-il légitime que les prescriptions pour la protection du climat soient dictées par ceux qui sont les premiers responsables du réchauffement de l’atmosphère ? » Ce sont effectivement les pays, moins lotis économiquement, qui sont les principales victimes de cette tragédie climatique aux effets ravageurs. Elle se traduit par des points en moins dans leur PIB déjà chétif pendant que les vrais pollueurs s’emploient à faire en sorte que le climat soit tout aussi clément pour leur business dangereusement climato-incompatible.

Mais avec le retour au pouvoir aux États-Unis de Donald Trump, un climatosceptique invétéré convaincu que le réchauffement climatique est une blague, dont la campagne a été copieusement irriguée par les pétrodollars, la planète est encore plus mal barrée. De quoi plomber encore dangereusement le climat et pas seulement dans son aspect météo…

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