Mauvaise gouvernance dans toute sa splendeur

Abdellah Chankou : Directeur de la publication

Au rang des fléaux qui frappent durement le Maroc et freine son développement  en enfantant au passage des montagnes de gabegie et de gaspillage, la mauvaise gouvernance figure en bonne place.  En la matière, le pays est un champion indétrônable malgré les rapports alarmants  de la Cour des comptes et les poursuites en justice des élus prévaricateurs. On dirait un état d’esprit bien enraciné dans la culture locale, aux antipodes de l’excellence  qui n’est glorifiée in fine que dans les discours…

La réalité du terrain est tout autre, accouchant de pratiques où se mêlent imprévoyance, malversations et amateurisme.

Un exemple parmi tant d’autres est offert par le grand théâtre de Casablanca. Voilà un complexe culturel, investissement colossal  de près de 1,5 milliard de DH, achevé avec plusieurs années de retard, qui pourrissait tranquilou depuis 2017 ! Ce n’est que la semaine dernière que le maître d’ ouvrage délégué, Casablanca Aménagement, s’est réveillé pour lancer un appel d’offres. Pour quoi faire ? Remettre en état un  édifice qui n’a pas même pas été inauguré, voyons ! On voudrait jeter l’argent public par les fenêtres qu’on ne s’y prendrait pas autrement… Ce marché de plusieurs millions de DH, la seule procédure  qui au demeurant  excite  l’imagination des responsables népotiques, a également  pour objet de sélectionner  un  administrateur gestionnaire.  « Qui met la charrue avant les bœufs fait rire le tracteur » dit le proverbe. Autrement dit, la ville de Casablanca a fait construire un bâtiment très onéreux  sans penser au préalable à l’opérateur  qui va le faire fonctionner sur le plan technique, administratif  et commercial. Bravo, les artistes ! 

Que des fautes graves qui pénalisent la population et le pays mais jamais les responsables qui non seulement ne rendent pas de comptes mais sont maintenus à leurs postes.

Le grand théâtre de Casablanca est loin d’être un cas isolé. La même improvisation s’est abattue sur  le nouveau parc zoologique de Ain Sebaa construit sur une superficie de 10 hectares pour une enveloppe de 250 millions de DH. Les travaux de réaménagement de l’ancien zoo ont été achevés depuis 2018. Mais là aussi, l’inauguration du site n’est toujours pas au rendez-vous et aucune date de sa mise en service n’est annoncée. Or, on ne gère pas un zoo comme on gère un poulailler vu que la logistique d’un parc zoologique requiert une technicité pointue comprenant des services spécialisés  que la ville de Casablanca est loin de posséder. 

Derrière  ces retards d’ouverture et les gâchis financiers  colossaux qu’ils entraînent  se cachent donc de graves problèmes de pilotage. C’est bien beau de construire de belles installations culturelles ou de divertissement  mais si les  compétences  nécessaires  qui sont cruciales en matière de gestion font défaut, ces équipements  sont voués naturellement à  la dégradation et  au délabrement. La ville de Casablanca dispose bien d’une SDL qui s’appelle Casa Events et Animation mais cette société  de développement locale ne dispose pas des profils idoines pour les  faire fonctionner selon les règles de l’art.  Gérer un équipement culturel fait en effet appel à une panoplie  de métiers,  directeurs, conservateurs, gestionnaires de programmes , animateurs… qui sont essentiels pour la promotion d’un patrimoine culturel et sa préservation. Au-delà de leur contribution dans le rayonnementd’un pays, l’art et la culture, c’est connu, représentent une industrie qui crée de l’emploi et de la richesse tout en impactant positivement le tourisme.

Que ce soit pour le théâtre du Grand Casablanca ou le parc zoologique, les responsables ont péché par leur imprévoyance par rapport au choix préalable des gestionnaires des deux sites.

Ce sont les mêmes défaillances criardes de la gouvernance urbaine   qui  sont à l’origine de la dégradation de la forêt de Bouskoura dont le programme de mise à niveau  de près 150 millions de DH a tourné à un beau gâchis faute de gestionnaire pour faire superviser le bon fonctionnement des différentes installations mises en place et leur entretien . Comble de l’incurie et de l’irresponsabilité, la forêt  s’est dotée de toilettes mais elles sont fermées à double tour depuis plusieurs années. Le meilleur moyen de pousser les visiteurs à faire leurs besoins sous les arbres !

Que des fautes graves qui pénalisent la population et le pays mais jamais les responsables qui non seulement ne rendent pas de comptes mais sont maintenus à leurs postes. Pour continuer à faire plus de dégâts  dans la plus parfaite des improvisations synchronisées ?

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