La séquence a fait le tour du monde. Un Marocain adoubé par le président américain chef du groupe scientifique de l’opération « Warp Speed », chargé de trouver un vaccin contre la Covid-19 dans les meilleurs délais. Avant cet événement, largement relayé par les réseaux sociaux, Moncef Slaoui, le savant de confiance du moment de Donald Trump était très peu connu dans son pays natal où la nouvelle de sa belle consécration a suscité un immense sentiment de fierté mâtiné d’admiration. Dr Slaoui, qui n’est pas le premier ni le dernier à réussir sous d’autres cieux, illustre parfaitement le phénomène de la fuite des cerveaux qui pénalise généralement les pays en développement. Un phénomène d’ampleur qui s’étend de plus en plus à des secteurs aussi essentiels que la médecine, l’informatique et l’intelligence artificielle, dans un contexte de chasse mondialisée aux talents. Le monde développé qui en tire le plus grand bénéfice n’est pas vraiment à blâmer, l’exode des compétences traduisant au fond l’incapacité des pays d’origine à retenir leurs génies en leur offrant les conditions nécessaires à leur épanouissement, à la fois personnel et professionnel. Quel gâchis pour les pays du sud qui investissent des budgets colossaux dans leur formation pour les voir ensuite, tel des graines de sable, leur filer; entre les doigts à un moment où ils ont besoin de leur savoir-faire pour sortir du sous-développement. Mais jusqu’à quand le Maroc qui a pourtant grandement besoin de la crème de son capital humain continuera à jouer les formateurs bénévoles pour le compte du monde développé dont il renforce le développement au lieu de construire le sien ?
Le grand défi pour les gouvernants est d’entreprendre les réformes décisives nécessaires pour faire du pays une destination attractive
où il fait bon étudier, s’instruire et produire.
En fait, l’équation est assez complexe. D’un côté, le Royaume a besoin de ses talents pour amorcer son décollage économique qui n’a que trop tardé et de l’autre les gouvernants ne font pas grand-chose pour agir sur la réalité afin de la rendre attractive et motivante en termes de R&D et d’évolution de carrière, passant leur temps à se désoler d’une situation dont ils sont responsables et qu’ils continuent souvent à consacrer par des politiques contre-productives.
Le problème se pose aussi pour ceux qui effectuent leurs études universitaires en Occident. Les meilleurs d’entre eux font souvent le choix de travailler dans le pays d’accueil plutôt que de revenir au bercail qu’ils jugent sous-dimensionné pour leurs ambitions. Combien de cadres de valeur, revenus au pays pour contribuer sincèrement à son développement, ont fini par amorcer le voyage retour, écœurés par des pratiques démotivantes relevant d’une mentalité locale aux antipodes de la culture d’entreprise occidentale basée sur la transparence et la méritocratie.
Une étude réalisée récemment auprès d’un échantillon de 1882 diplômés marocains (BAC+3) dont la moyenne d’âge est de 35 ans a révélé que 91% d’entre eux souhaitent faire carrière à l’étranger. Un résultat significatif de l’environnement du travail au Maroc qui aux yeux des sondés n’incite pas à la motivation.
Garder les meilleurs sur le sol national doit s’inscrire dans le cadre d’un projet de développement global et ambitieux. Le grand défi pour les gouvernants est d’entreprendre les réformes décisives nécessaires pour faire du pays une destination attractive où il fait bon étudier, s’instruire et produire. Tout dépend en vérité de la réponse que les décideurs veulent apporter à cette question fondamentale : Quel Maroc de l’après-Covid voulons-nous : Un Maroc moins disant social et des petites mains pour les investisseurs étrangers ou un Maroc des grands esprits, œuvrant pour acquérir sa souveraineté industrielle, qui crée et avance en innovant ?