Politique-friction à la CGEM

Récemment, la CGEM a créé la polémique en procédant, le 11 février, à l’amendement de l’article 4 de son règlement intérieur. Objectif proclamé: «garantir une harmonie avec les statuts, relative à l’ancienneté d’adhésion à la Confédération». En termes plus clairs, cette modification instaure une incompatibilité entre l’appartenance aux instances dirigeantes d’un parti politique et l’exercice d’une fonction de responsabilité au sein de la CGEM. Il n’en fallait pas plus pour que l’Istiqlal monte au créneau afin de critiquer vertement dans un communiqué émis par son Bureau exécutif ce qu’il considère comme « une atteinte à la loi ». Le parti, dirigé par Nizar Baraka, est allé jusqu’à accuser la CGEM de mener des batailles politiciennes par procuration pour le compte d’un parti, dans une allusion au RNI, pour servir des intérêts politiques et électoraux particuliers. Stipulant que le président et le vice-président général ainsi que les présidents des CGEM régionales n’ont plus le droit de figurer dans les instances décisionnelles d’un parti politique, cet amendement a contrarié les projets de certaines notabilités istiqlaliennes du Sahara, à commencer par Hamdi Ould Rachid qui dans les faits fait office de vrai patron du parti : Se porter candidat à la présidence des antennes de la CGEM dans les trois régions du sud dont celles de (Laâyoune Sakia-Lhamra et Oued Eddahab-Lagouira)  en vue de concourir pour  les sièges dans la deuxième Chambre. D’où la colère des istiqlaliens qui se sont sentis visés par un changement qu’ils soupçonnent de bonne ou de mauvaise foi avoir été adopté pour les priver d’une représentation politique légitime.  

La CGEM a peut-être gagné en lobbying parlementaire en investissant l’appareil législatif où se fabriquent les lois, mais elle a certainement perdu au change en termes d’indépendance, censée être la première qualité d’un syndicat des employeurs.

Politique ! Le mot est lâché. La CGEM est considérée par les partis comme un tremplin au même titre que les autres chambres professionnelles pour accéder à la deuxième Chambre depuis  que la confédération a accepté en 2015, en vertu de la loi sur la régionalisation, d’envoyer huit de  ses membres pour la représenter dans cette institution législative. En rompant avec sa neutralité pour devenir un acteur politique,  l’organisation, sise boulevard Mohamed Abdou à Casablanca, est sortie du périmètre qui devrait rester le sien,  celui d’un mouvement apolitique qui agit au service de ses membres, loin des joutes politiciennes du parlement et de ses intrigues.

L’image de la CGEM s’en est trouvée passablement brouillée aux yeux des acteurs et des observateurs de tous bords, même si la présence de la CGEM à la deuxième Chambre a été justifiée à l’époque par la nécessité d’y faire entendre la voix du patronat, défendre les intérêts de l’entreprise et élargir  le champ de la représentativité socio-professionnelle. Tant qu’à raisonner de la sorte, pourquoi ne pas concourir pour les sièges parlementaires de la première Chambre et même de la démocratie locale… La CGEM a peut-être gagné en lobbying parlementaire en investissant l’appareil législatif où se fabriquent les lois, mais elle a certainement perdu au change en termes d’indépendance, censée être la première qualité d’un syndicat des employeurs.

C’est au nom de cette exception marocaine inversée qu’un homme politique, en l’occurrence Salaheddine Mezouar, ex-ministre des Affaires étrangères et ancien patron du RNI, a été porté à la tête de la CGEM avant d’être poussé à la démission suite à  un commentaire qu’il a livré sur la situation interne en Algérie lors d’une conférence internationale à Marrakech en octobre 2019. Ce qui lui a valu un désaveu immédiat du chef de la diplomatie Nasser Bourita qui a publié un communiqué où il a dénoncé une « démarche irresponsable, maladroite et irréfléchie». Cette séquence, pour le moins surprenante, qui marque profondément l’histoire de la confédération, a créé une grande confusion dans les esprits qui se sont demandé si la CGEM était une organisation patronale autonome par rapport au pouvoir politique ou une antenne gouvernementale soumise à une obligation de réserve au même titre que les diplomates et les hauts fonctionnaires… C’est dire que la CGEM doit opérer plus que des réaménagements techniques de ses statuts pour recouvrer son indépendance et restaurer son image d’institution apolitique qui représente les entreprises marocaines auprès des pouvoirs publics et des centrales syndicales. Tout un programme !

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