Quelle Afrique du jour d’après?

Au-delà d’une «refondation» européenne, «nous devons aussi savoir aider nos voisins d’Afrique à lutter contre le virus plus efficacement, les aider aussi sur le plan économique en annulant massivement leur dette», a déclaré le président Emmanuel Macron depuis l’Elysée lundi 13 avril dans son adresse aux Français. Riche pensée  d’un chef d’Etat que la grosse tourmente, où se trouve son pays pour cause du coronavirus, ne lui a  pas fait oublier cette partie du monde rongée par mille et un maux bien avant l’apparition du Covid-19. Sauf que le contexte sanitaire actuel est difficile pour toute l’humanité, avec plusieurs crans au-dessus pour l’Occident en nombre de décès. Là où l’Afrique comptait à peine 1.000 morts, l’Occident a franchi la barre des 100.000 victimes avec un bilan humain plus lourd  pour l’Amérique de Trump.

Le coronavirus a embarqué tout le monde, nations développées et pays tiers-monde, dans un même navire ivre et à la dérive, sans cap et incapable de savoir où il échouera. Tous égaux devant ce virus troublant et inquiétant à la fois qui est en train de décimer des vies humaines par milliers. Sans savoir jusqu’où il peut aller dans le massacre.  

Un bateau en perdition et sans capitaine! C’est l’image de désolation que renvoie aujourd’hui une planète fortement secouée par les vagues d’une pandémie d’autant plus inquiétante et ravageuse qu’elle reste encore hermétique au savoir humain. Mais que vaut le plaidoyer macronien en faveur de l’Afrique, surtout qu’il dégage les relents du jour d’avant ? Le continent africain souffre de moult déficits aggravés aujourd’hui par le coronavirus ?

Une véritable coopération commence évidemment par un transfert de technologie vers les pays en voie de développement assorti d’investissements conséquents dans des

secteurs créateurs de valeur.

L’Occident renoue avec ses vieux réflexes : verser son obole au nom d’une aide au développement qui a montré depuis longtemps son caractère stérile, détournée en grande partie par des dirigeants dociles et corrompus qui servent les intérêts des puissances occidentales qui les ont imposés au pouvoir. Cette obole permettra aux pauvres africains, dont les richesses du sous-sol sont pillées depuis plusieurs décennies par les puissances coloniales et depuis quelques années par les Chinois, de faire face aux dépenses exceptionnelles liées à la pandémie et à ses conséquences. Quelle belle âme charitable !  

C’est en mettant en avant l’aide au développement conjuguée au droit d’ingérence sous-entendu en fait par des considérations moins humanitaires et nobles qu’il n’y paraît que l’Occident a perpétué sa mainmise sur les richesses d’une Afrique mise sous tutelle et empêchée de s’émanciper. Ce qui a eu comme résultante  l’appauvrissement de ses populations livrées souvent à des conflits meurtriers alimentés par le jeu trouble du colonisateur.

Nul ne sait si le jour d’après va en finir avec cette prédation grandissante enveloppée dans des discours tantôt moralisateurs tantôt laudateurs et accoucher enfin d’un partenariat sincère et équilibré en direction de l’Afrique. Un partenariat qui soit porteur d’un véritable développement profitable aux populations et susceptibles de les fixer sur place au lieu qu’elles cherchent à fuir, souvent au risque de leur vie, la misère de leur pays pour se dégotter un meilleur avenir en Europe. Une véritable coopération commence évidemment par un transfert  de technologie vers les pays en voie de développement assorti d’investissements conséquents dans des secteurs créateurs de valeur  dans le cadre d’une politique de co-développement, à rebours du partenariat faussement gagnant-gagnant proposé à grand renfort de discours hypocrites. Au nom de quelle logique les pays africains doivent-ils rester d’éternels consommateurs des produits industriels occidentaux, qu’ils payent au prix fort? Est-ce un crime contre l’humanité, sauf à vouloir perpétuer ce système de domination, que de les aider par exemple à fabriquer leurs propres voitures ? L’Afrique a besoin plus que de professions de foi et autres figures de rhétorique mille fois entendues pour l’aider réellement à prendre son destin en main.

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