L’apparition récemment du nom d’un parlementaire également président d’une chambre de commerce et d’industrie dans une enquête sur une affaire de trafic de stupéfiants menée par la BNPJ est symptomatique de beaucoup de choses. Les institutions politiques nationales, parlementaires et autres, ont été investies par les barons de la drogue en quête de protection, de respectabilité et de couverture à leur business illicite. Si le phénomène n’est pas nouveau- des élus étant régulièrement arrêtés et condamnés pour leur implication dans des réseaux de trafic drogue- il semble qu’il a pris de l’ampleur au cours de ces dernières années, encouragé par un paysage partisan d’autant plus malade et fragilisé qu’il a renoncé aux règles traditionnelles du recrutement politique au profit d’autres critères, l’argent essentiellement.
Au diable la compétence et la probité ! Glorifiées juste dans les discours, ces valeurs ne font pas vraiment le poids face aux arguments sonnants et trébuchants. Il suffit d’en avoir suffisamment dans ses coffres forts pour pouvoir animer le souk électoral par l’achat massif des voix pour se voir dérouler le tapis rouge et décrocher sans coup férir la précieuse accréditation en damant souvent le pion aux militants maison. Le triomphe de l’argent sale, utilisé dans des proportions phénoménales afin de s’assurer un siège sous la coupole, dans une commune ou au sein d’une chambre professionnelle, contribue au discrédit profond qui frappe la classe politique tout en faussant les règles du jeu.
Dans ce contexte où le principal indicateur est l’assise financière du candidat, les filtres de la représentation, censés permettre la sélection des bons éléments et l’écrémage de l’élite, deviennent inopérants, voire superflus. Dans le grand bazar de ces boutiques faussement politiques, seule domine la logique arithmétique qu permet d’obtenir la majorité ou la compléter, via l’élection du maximum de candidats afin de pouvoir aller à la soupe. La quantité plutôt que la qualité. Là où l’on voit que les élus sont juste des chiffres. C’est dans ces brèches grandes ouvertes que s’engouffrent les trafiquants de tout genre, se faisant ouvrir un grand boulevard par les chefs des partis qui les courtisent en leur faisant des courbettes. Ces profils douteux nantis en avoirs et généralement très peu en savoir commencent à faire de l’ombre aux fameuses notabilités locales qui sont en train pour une raison ou une autre de vivre leurs dernières heures de gloire. Peu importe l’origine de leur fortune ou s’ils justifient d’une quelconque expertise! Comme leurs aînés, les nouveaux entrants, qui parviennent à se faire coopter au sein des instances dirigeantes de leurs partis respectifs alors qu’il n’y ont jamais milité auparavant, sont appréciés à l’aune de leur générosité pour prendre en charge les frais d’organisation d’un congrès du parti ou financer les déplacements du chef et ses désirs.
Les trafiquants de drogue qui se cachent derrière des mandats électifs sont les plus dangereux à cause de leur capacité à gangrener les institutions politiques et de les vider de leur légitimité.
Dans pareil fatras partisan, il n’y a évidemment pas de place pour les candidats désargentés qui n’ont comme argument à déployer que leur esprit de militance et preuves de compétence. Ceux-ci hélas ne font pas recette dans un contexte où la mauvaise monnaie chasse la bonne. Preuve que les partis sont des coquilles vides qui ne sont attrayants que pour les opportunistes et les nababs obscurs, le recrutement des ministres et autres hauts responsables se fait de plus en plus en dehors du circuit partisan même si le niveau des « parachutés » a sensiblement diminué en qualité au fil des années.
Résultat : les intérêts de la collectivité se perdent dans les méandres du nivellement par le bas, engendré par un Parlement et des collectivités territoriales peuplés de personnages problématiques et sans aucune qualification. Sauf lorsqu’il s’agit de rouler pour des intérêts strictement personnels ou par procuration. Certains pour se servir dans le banquet communal en réalisant un retour sur investissement en matière d’achat des voix. D’autres pour s’offrir une certaine respectabilité de façade et blanchir leur argent facile souvent sale en nouant des relations mercantiles au cœur des centres du pouvoir.
Les trafiquants de drogue qui se cachent derrière des mandats électifs sont les plus dangereux à cause de leur capacité à gangrener les institutions politiques et de les vider de leur légitimité. Les autorités, police et justice, doivent continuer à les débusquer et les combattre. Impitoyablement. La réhabilitation de l’action politique, sans cesse prônée par le souverain dans ses discours, est à ce prix.