Très chère culture de l’échec

S’il est une assise fondamentale, sans laquelle il est impossible de performer et d’avancer, avec laquelle le Maroc est très fâché, c’est bien l’obligation de résultat. Les exemples se suivent et se ressemblent, dans une litanie lassante, qui montre que celle-ci, nonobstant le respect de l’obligation de moyens, a du mal à trouver sa place dans la culture nationale comme une exigence essentielle. Dernier fait en date, l’élimination de la sélection nationale par l’Algérie aux quarts de finale de la Coupe arabe au Qatar. Censée donner lieu au moins à des questionnements à l’échelle des instances du football national pour savoir au moins ce qui a dysfonctionné, cette défaite est passée paradoxalement comme un but foudroyant dans les filets. Elle n’a troublé la digestion ni des responsables de la FRMF ni le sommeil de l’entraîneur Houcine Ammouta, encore moins bousculé l’agenda du ministre de tutelle. Plus fabuleux encore, il ne s’est trouvé personne pour assumer publiquement ce ratage footballistique. Tous zens et solidaires face à la déconvenue qui a fait très mal aux Marocains ? Quant à démissionner par sens de l’État et du devoir, il n’y a qu’un pas que les dirigeants marocains n’osent jamais franchir. En somme, «personne n’est responsable » est le vrai sport où le Maroc excelle, enregistre de bons résultats et décroche même de beaux trophées. Vive la dilution des responsabilités ! Ce n’est pas la première fois que la méforme du sport national en général et du football en particulier est accueillie avec un désintérêt aussi olympien. A force d’être récurrente, cette passivité s’est imposée au fil du temps comme allant de soi, vécue comme une normalité, qui présente l’avantage de dispenser de la reddition des comptes.

L’absence d’obligation de résultat, qui contribue à muscler la médiocrité, n’est pas seulement l’apanage de la sphère sportive. Elle fait également fureur à divers niveaux de la gouvernance.

Résultat : aucun bilan n’est dressé. Aucune sanction ne tombe. Pas de tête coupée fut-elle des lampistes. La moindre action visant à tirer les leçons de la défaite pour corriger le tir se trouve ainsi ratée. L’absence chronique de l’évaluation, condition sine qua none de la performance, fait qu’on ne capitalise in fine que sur les acquis… de l’échec permanent. L’affectation des moyens nécessaires, faute d’atteindre les objectifs tracés, tourne alors au gaspillage pour ne pas dire à la gabegie. Hautement subventionnée, la culture de l’échec devient dans ce contexte très payante. Plutôt que de produire des héros maison auxquels les jeunes peuvent s’identifier, elle ne génère que déceptions, frustrations et démoralisation pour la collectivité.

C’est ainsi que l’échec, à force de ne pas tirer à conséquence pour ses artisans qui sont parfois même promus pour « sévices » rendus, se transforme en culture locale que les esprits finissent par accepter et même intégrer. Du coup, on cherche à expliquer la contre-performance par des facteurs exogènes comme l’absence de chance ou par le jeu de la consolation, style «Les Marocains ont bien joué». De guerre lasse, la qualification pour les quarts ou demi-finales devient ainsi un objectif en soi, voire une source de satisfaction pour le public alors que l’objectif pour toute équipe en compétition est de décrocher le sacre !  

L’absence d’obligation de résultat, qui contribue à muscler la médiocrité, n’est pas seulement l’apanage de la sphère sportive. Elle fait également fureur à divers niveaux de la gouvernance, à commencer par le gouvernement où les ministres se succèdent, au gré des changements de majorité, sans que l’on sache vraiment s’ils ont rempli ou non la mission pour laquelle ils ont été nommés. Enfilant le costume du pouvoir sans présentation de leur plan stratégique et leur plan d’action, ils quittent généralement l’exécutif sans répondre de l’exercice de leur responsabilité, histoire de savoir si les objectifs qu’ils se sont fixés ont pu être atteints ou pas et les contraintes éventuellement rencontrées. Pire, nombre de nouveaux entrants font table rase du travail de leurs prédécesseurs, se lancent dans des expérimentations hasardeuses ex nihilo au lieu d’essayer de capitaliser sur les bonnes actions initiées par leur prédécesseur.

Une énième exception marocaine ?

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