Vive la politique-business !

La Cour Constitutionnelle s’est prononcée le vendredi 2 avril sur la loi organique 07.21 sur les partis politiques dans le volet se rapportant au financement. L’arrêt rendu par les sages approuve la réforme autorisant les formations politiques à bénéficier d’autres sources de revenus autres que la subvention publique, la cotisation des adhérents, dons et autres legs jugés insuffisants par les partis pour jouer leur rôle dans l’efficience requise.  

En vertu de cet amendement, réclamé par les partis nationaux eux-mêmes et jugé donc conforme à la Constitution, ces derniers peuvent désormais se financer à l’instar des entreprises. Ce qui signifie qu’ils peuvent posséder, louer ou vendre des biens immobiliers, créer des agences dans le domaine de la communication de façon à générer des recettes supplémentaires censées leur permettre de mieux s’acquitter de leur mission d’encadrement de la population. Sûr que la rente foncière et immobilière connaîtra une nouvelle dynamique avec le permis de spéculer que se sont octroyés légalement nos très chers partis. Vive la politique-business ! Reste à espérer que le PJD, USFP, Istiqlal… seront plus bons en affaires qu’ils ne le sont en politique.

L’exercice démocratique ayant besoin d’argent – qui représente un pilier essentiel de tout système politique – pour bien fonctionner, cette réforme est censée aider les partis à sortir du statut de coquilles vides dans lequel ils ont été confinés en favorisant l’expression de la diversité des opinions et le pluralisme démocratique dans le respect de l’intérêt général et les sensibilités des uns et des autres. Pour cela, les partis doivent naturellement disposer de ressources financières adéquates dont l’accès doit cependant être encadré par la loi afin d’éviter les dérives pouvant naître du fait de la collision entre argent et politique, à l’origine de bien des scandales politiques spectaculaires dans les démocraties occidentales. Notamment en France, où les financements occultes qui traversent aussi bien la droite que la gauche ont servi à payer essentiellement les frais des campagnes électorales des anciens chefs d’État, soit sous forme de mallettes remises par certains présidents africains ou via de fausses factures et autres procédés obscurs pour collecter de l’argent auprès des entreprises françaises…    

À l’époque des Aherdan, Osman, Bouabid, Boucetta, Youssoufi, Yazghi, et autres Yata…, les biens du parti, journaux, imprimeries et sièges du parti, n’étaient-ils pas enregistrés au nom de nombre de leaders historiques qui considéraient le parti comme une affaire personnelle?

Au Maroc, la situation est radicalement différente. Le recours à des montages complexes à la française pour se faire financer ne relevant pas de la culture locale, les partis comptent essentiellement sur la subvention de l’État qui demeure prépondérante et la générosité des notabilités bien nanties en avoirs. Avec cette caractéristique d’absence de transparence quant à l’usage fait de ces fonds dont une partie tombe sans problème dans la poche du chef qui agit comme s’il n’était nullement concerné par le principe de reddition des comptes et le devoir d’exemplarité, juste bons à meubler ses discours politiques creux.  La politique ne fait pas recette. Mais visiblement pas pour tout le monde !

À l’époque des Aherdan, Osman, Bouabid, Boucetta, Youssoufi, Yazghi, et autres Yata…, les biens du parti, journaux, imprimeries et sièges du parti, n’étaient-ils pas enregistrés au nom de nombre de leaders historiques qui considéraient le parti comme une affaire personnelle? Ce n’est qu’a cours de la dernière décennie que les choses ont commencé à évoluer vers une certaine clarté à la faveur de l’intrusion de la Cour des comptes dans la comptabilité des enseignes partisanes.

Cependant, plus de recettes financières dans les caisses partisanes est-il forcément synonyme d’une réconciliation des partis avec leur mission de base qui est l’encadrement des citoyens pour les inciter à participer à la vie publique et l’écrémage des élites capables d’assumer la gestion des affaires publiques ? Il est permis d’en douter tant que la classe politique n’aura pas fait son aggiornamento pour qu’elle devienne finalement et audible et crédible. C’est à ce prix que l’action politique, frappée d’un profond discrédit, qui rejaillit dramatiquement sur le taux de participation aux élections, retrouvera ses titres de noblesse et les partis leur crédibilité. La crédibilité ! C’est le vrai capital que tout l’argent du monde ne pourra pas évidemment acheter.

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