Le délégué général de l’administration pénitentiaire et de la réinsertion ( DGAPR) Mohamed Saleh Tamek est connu pour sa franchise et son langage vrai et direct. Lors de la discussion mercredi 22 novembre de son projet budget 2024 devant la commission de la justice, de la législation et des droits de l’homme à la deuxième Chambre, Mohamed Saleh Tamek a de nouveau tiré la sonnette d’alarme sur l’état des lieux peu reluisant des prisons au Maroc. Ce qu’il fait depuis une décennie sans que les décideurs ne prennent en compte ses alertes sérieuses.
A cette occasion, le délégué général a pour la énième fois vivement déploré le refus du gouvernement de revoir à la hausse les subsides alloués à l’administration qu’il dirige et de réserver plus de postes budgétaires au secteur pénitentiaire, en réitérant les mêmes arguments déployés le 7 novembre devant la même Commission à la première Chambre. A savoir que les 966 millions de DH réservés au fonctionnement et les 160 millions de DH pour l’investissement ne sont pas à la hauteur des multiples défis affrontés par l’administration pénitentiaire.
Au rang de ceux-ci, figure principalement la surpopulation carcérale qui, avec un peu plus de 100.000 détenus enregistrés à fin octobre 2023 -soit une hausse de 6% par rapport à l’année dernière- vaut au Maroc le statut de champion toutes catégories. Ce qui en en termes de taux d’incarcération correspond à 272 prisonniers pour 100.000 habitants contre pour le même nombre d’habitants 196 en Tunisie, 57 en Mauritanie, 113 en Espagne, 109 en France et 99 en Italie. Or, le phénomène complexe de la surpopulation carcérale engendre une pression énorme sur les personnels pénitentiaires du fait qu’ils travaillent constamment en sous-effectif H 24 et 7/7 selon un ratio d’un gardien pour 40 détenus alors que la norme internationale est d’un gardien pour trois détenus. Cette surcharge de travail vaut en plus aux employés pénitentiaires marocains des salaires dérisoires qui comptent, selon M. Tamek, parmi les plus bas dans les métiers de sécurité et de surveillance similaires. Cette sous-rémunération impacte naturellement le rendement et la performance des intéressés. L’application des peines alternatives nécessite 4.000 nouveaux fonctionnaires, a expliqué Mohamed Salah Tamek aux conseillers qui ont été sensibles à la justesse de ses arguments, allant jusqu’ à exprimer leur intention de voter contre le budget alloué à son administration. Qu’ils votent pour ou contre, cela ne changera pas grand-chose à la situation de l’univers carcéral national tant que celui-ci demeure le parent pauvre des politiques publiques et prisonnier d’une vision étriquée.
- jeu, 21 novembre 2024