Témoignage D’Eugène Ebodé : Le Roi éclairant et clairvoyant

Le president ivoirien Alassane Ouattara recevant le Roi Mohammed VI à Abidjan, le 24 février 2017, lors d’une tournée royale en Afrique de l’Ouest.

Le leadership qu’incarne Sa Majesté le Roi du Maroc est ainsi articulé autour d’un grand dessein panafricain dont le volontarisme est l’essence et le rayonnement de la culture la démonstration. 

Pour signer le grand retour du Maroc sur la scène communautaire africaine, le Roi Mohammed VI, intronisé le 30 juillet 1999, trouva des mots justes le 30 janvier 2017: «Il est beau le jour où l’on rentre chez soi, après une trop longue absence ! Il est beau, le jour où l’on porte son cœur vers le foyer aimé! » Cette coïncidence entre la célébration de son accession au trône et les retrouvailles panafricaines manifestait une conviction et une ambition fortes dont la vision continentale était le moteur. Le Roi Mohammed VI l’exprima sans détour : «Nous, peuples d’Afrique, avons les moyens et le génie; et nous pouvons, ensemble, réaliser les aspirations de nos peuples». S’agissait-il d’un vœu pieux ? Non, il fut question d’une parole engagée et engageante. À ceux qui pouvaient en douter ou qui pointaient une démarche personnelle, le souverain eut cette réplique: « Je leur réponds que c’est à l’Afrique que le royaume cherche à donner le leadership et qu’il est temps que les richesses de l’Afrique profitent à l’Afrique ! »

Les jalons d’une fibre panafricaine

Les jalons de ce volontarisme politique du Roi Mohammed VI sont lisibles dans une série de voyages et de visites royales à ses pairs africains. Ce cycle commence deux ans après l’intronisation et s’étend jusqu’en 2015. Le Roi du Maroc intensifie pendant cette période son ancrage africain. Il commence le 17 janvier 2001 au cours d’un déplacement de trois jours au Cameroun. 

L’agenda royal indique un périple dans plusieurs pays : le Sénégal (22-27 mai 2001), puis en 2002 : le Gabon (31 août-1er septembre), l’Afrique du Sud (31 août-10 septembre), le Bénin (15-16 juin), de nouveau le Cameroun (16-18 juin), le Niger (24-25 juin), le Sénégal (25-26 juin). En 2005 : le Burkina Faso (28 février-2 mars), le Niger (19-21 juillet). 2006: la Gambie (19-21 février), le Congo (21-23 février), la RD Congo (31 août-10 septembre). En 2008 : le Sénégal (13-14 mars) ; en 2009 : la Guinée équatoriale (16-19 avril) ; en 2013: Le Sénégal (15-19 mars), la Cote d’ivoire (19-25 mars), le Gabon (25-31 mars), le Mali (18-22 septembre). En 2014 : Le Mali (18-24 février), la Cote d’Ivoire (23-fev.-3 mars). En 2015 : le Sénégal (20-28 septembre), la Guinée-Bissau (28-30 mai), la Côte d’Ivoire (30 mai-5 juin), le Gabon (5-12 juin).

Cet agenda diplomatique n’est pas seulement dominé par l’économie ou par le classique bilatéralisme. Il est aussi tourné vers la subdiplomatie et les actions tant dans le domaine social, éducatif que celui de l’entraide religieuse. L’importance de la filiation de populations subsahariennes à la confrérie tijanyya de Fès a ici une grande importance. Le 20e souverain du trône des Bamoum, le Roi Muhammad-Nabil Mforifoum Mbombo Njoya, reçu à l’Académie du Royaume du Maroc en janvier 2022, fit l’éloge du Roi du Maroc lors du colloque sur « L’invention des écritures et l’état du narratif en Afrique ». Il précisa : «l’attractivité particulière du Maroc est adossée à une communauté d’essence religieuse, certes, mais liée très puissamment à l’action personnelle du Roi Mohammed VI, Commandeur des croyants et infatigable acteur de la valorisation des arts, des traditions, des cultures et des civilisations africaines ».

La culture et les énergies renouvelables

Le leadership qu’incarne Sa Majesté le Roi du Maroc est ainsi articulé autour d’un grand dessein panafricain dont le volontarisme est l’essence et le rayonnement de la culture la démonstration. 

Protecteur de l’Académie du Royaume du Maroc, l’action culturelle prônée par Sa Majesté est tout entière tournée vers l’exposition des atouts continentaux. Il en donne lui-même l’exemple en visitant et en soutenant les arts plastiques lors de ses déplacements. C’est également sous cette formidable inspiration que l’Académie du Royaume du Maroc a lancé en 2015 et le colloque fondateur sur « L’Afrique comme horizon de pensée ». Autrement dit, le retour de l’Afrique sur son génie propre et sa capacité à questionner comme à sublimer le monde. Cette affirmation de la valorisation des atouts culturels du continent est aujourd’hui encouragée au Maroc et soutenue. Ce contexte favorable propose de nombreux événements culturels sur la photographie, le cinéma documentaire, la parure, et a été couronné, depuis 1999, par plusieurs inscriptions du Maroc au patrimoine mondial de l’UNESCO : 

– En 2012, la façade atlantique de Rabat ainsi que les remparts et portes almohades sont des vestiges du califat almohade et de la principauté morisque ou andalouse du XVIIe siècle. Enfin, la Kasbah des Oudayas, la Nécrople de Chellah, la Mosquée Hassan ou encore le Mausolée Mohammed-V illustrent la beauté de lieux qui ont contribué à faire de Rabat la capitale africaine de la culture pour 2020-2021. 

– La ville portugaise de Mazagan, inscrite en 2004, est l’un des premiers sites des explorateurs portugais naviguant vers l’Inde, témoigne des influences des cultures européenne et marocaine à travers l’architecture en particulier.

– le Malhoum, art poétique et populaire, a été inscrit en décembre 2023 à la liste du patrimoine immatériel de l’UNESCO.

L’autre aspect éclairant de l’action déterminante du Roi Mohammed VI est sa préoccupation environnementaliste et l’importance qu’il accorde aux énergies renouvelables. Les sites de Nour, à Ourzazate, portent l’empreinte d’une volonté de « décarbonner » et de diversifier la ressource énergétique par l’éolien et le solaire. Il s’agit, là aussi, à partir d’une action vigoureuse et diplomatique qui a abouti à la tenue de la COP 22 au Maroc, du 7 au 18 novembre 2016, de renforcer les outils de la lutte contre le réchauffement climatique et pour la diminution des gaz à effet de serre, notamment dans le secteur agricole. Un secteur pour lequel le Maroc dispose d’une locomotive à travers l’exploitation des phosphates et des engrais verts. Tout ceci concourt à moderniser le Royaume et à faire de l’Afrique un acteur respecté dans le développement des énergies vertes et non fossiles. À travers cette politique, l’idée poursuivie est de minorer la dépendance énergétique du Royaume tout en renforçant la souveraineté dans ce domaine. Il s’agit de faire passer la double dépendance au pétrole et à l’étranger de 88% en 2020 à 35% en 2040, puis à 17% en 2050. Le Maroc s’y attèle en développant un mix énergétique ambitieux par une approche qui associe l’investissement et l’intelligence plus que la rente en mobilisant les atouts naturels. Le volontarisme du Roi sert aussi d’exemple aux pays africains qui privilégieront davantage les coopérations intra-africaines pour mieux s’autonomiser et affirmer une autre réalité continentale. L’ouverture de la façade atlantique du Maroc aux pays enclavés du Sahel est à la fois une décision économique et une perspective de mutualisation et de coopération Sud-Sud. Il s’agit aussi d’une offre de solidarité transnationale du Roi Mohammed VI. Elle innove et donne à l’action diplomatique un considérable écho que les structures régionales de l’UA n’ont pu réaliser, notamment après la crise que connaît malheureusement la CEDEAO. On le voit, le Roi Mohammed VI affirme son ancrage africain par une diplomatie de l’action et non de l’incantation. Son action en faveur de la mobilisation des atouts africains trace un sillon capital pour une Afrique rayonnante. Sa vision comme sa ténacité sont à suivre et suscitent des commentaires élogieux des visiteurs au Maroc devant la qualité des infrastructures et la dynamique tant économique que culturelle. Certes, les attentes sociales sont grandes, mais des programmes de couverture santé universelle, de bourses ouvertes aux étudiants d’origine modeste et de réduction de l’habitat insalubre bénéficient de l’appui public. De grandes universités marocaines, à l’exemple de l’Université Mohammed VI polytechnique de Benguérir, prouvent que le choix d’une formation de qualité est un solide gage pour l’avenir. La mobilisation des moyens de la Fondation Mohammed VI pour les arts, ainsi que le démontrera encore l’ouverture prochaine du Musée du Continent à Rabat, souligne une ambition haute pour une Afrique soucieuse de son patrimoine et de sa valorisation. L‘approche du Souverain chérifien est un plaidoyer pour la prospérité de l’Afrique, par elle-même et avec les concours de ses fers de lance économique tel le Nigéria à travers le projet du gazoduc. Cette vision et les actions du Roi Mohammed VI sont une option décisive pour une Afrique souveraine.

* Administrateur de la Chaire des littératures et des arts africains de l’Académie du Royaume du Maroc, écrivain.

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