Laila Lamrani
Le 8 décembre 2025, des milliers de Syriens ont de nouveau envahi les places publiques — drapeaux, chants révolutionnaires, embrassades, feux d’artifice. Ils fêtent le premier anniversaire de la chute du régime de Bachar al‑Assad, renversé après plus de 50 de domination familiale et des années d’une guerre civile dévastatrice.
Le cocktail d’émotion, de soulagement, de prudence occupe encore tous les esprits. Les Syriens conscients des risques d’un retour des logiques de pouvoir ou des représailles attendent des promesses concrètes: justice pour les victimes, reconstruction économique, cohésion nationale. Certains, comme l’écrivain dissident Yassin al‑Haj Saleh, de retour à Damas après des années d’exil, appellent à une “justice thérapeutique” qui permet de donner la parole aux victimes, juger les coupables, et ne plus refermer le livre de l’histoire collective sans vérité.
Mais il y a aussi la crainte que les luttes de pouvoir se réinventent autrement sous forme de nouvelles élites, influences étrangères, tensions communautaires, instabilité. Des étincelles d’espoir ont animé villes et villages : la capitale Damas, Alep, Homs, lieux symbolisant un passé sombre, se sont transformés, le temps d’un soir, en scènes de joie collective. Cette célébration marque plus qu’un anniversaire : pour beaucoup, c’est la renaissance d’un pays, la promesse d’un futur débarrassé de la peur, des disparitions et des prisons secrètes.
Le nouveau président syrien, Ahmed al-Sharaa, ex‑chef rebelle, a salué « le courage des combattants et le peuple syrien » dans un discours à Damas, appelant à l’unité nationale, à la reconstruction et à « tourner la page de la tyrannie ». Mais derrière les feux d’artifice, la réalité reste brutale. L’économie vacille, les centaines de milliers de déplacés peinent à retrouver un foyer, et infrastructures, logements, emplois manquent encore cruellement. Beaucoup vivent « au jour le jour », comme l’indique un Syrien revenu dans la capitale : “On survit, on ne vit pas encore”. Le retour à la normale s’annonce long: reconstruction, justice, réconciliation, création d’institutions stables. Mais pour nombre de Syriens, le simple fait de pouvoir célébrer sans crainte vaut déjà beaucoup.








