Une équipe a rencontré Abdellatif Jouahri dans un marché des fruits et légumes à Casablanca, un panier à la main. Les prix affichés lui donnent le tournis.
Vous avez relevé pour la troisième fois consécutive, et en l’espace de quelques mois, le taux directeur qui est désormais de 3%.
Vous n’avez pas un peu serré l’étau sur l’investissement et l’activité économique ?
C’est l’argument déployé par le gouvernement pour critiquer ma décision. Pour ma part, je ne vois pas les choses sous un angle politique ou politicien.
Moi, je défends le pouvoir d’achat et donc le petit peuple dont les décideurs politiques semblent ignorer la détresse.
Mais le pouvoir d’achat notamment des couches vulnérables ne cesse de se dégrader et l’inflation d’augmenter malgré le relèvement répétitif du taux directeur…
Je finirai par provoquer une baisse de la demande et une désinflation. Cela dit, l’inflation des discours anti-Bank Al Maghrib ne me feront pas reculer. L’institution que je dirige est indépendante du pouvoir politique et il entend le rester en défendant crânement ses prérogatives face aux tentatives de sa mise sous tutelle.
Vous faites allusion au désaccord avec le chef du gouvernement qui considère que votre stratégie de hausse du taux directeur est une solution de facilité préjudiciable à l’activité économique et à l’investissement en raison notamment de la hausse des taux d’intérêt…
Le pouvoir politique en général n’est content que lorsque les taux sont bas car de nature à stimuler l’investissement et à booster la croissance. Mais moi, je suis du côté des pauvres qui ont du mal à assurer leur pitance quotidienne. La gamelle plutôt que le bordel…
Il est tout aussi anormal que la bouffe des pauvres riches comme le khlii, le saumon et le comté deviennent inaccessibles.
Vous agissez là en quelque sorte en juge de paix social et non en gardien du temple de la politique monétaire, non ?
Il faut bien que quelqu’un se soucie de la spirale inflationniste et de ses ravages sur les populations démunies dont le revenu est de plus en plus bouffé par les dépenses alimentaires. Ce qui est très problématique. Il n’y a pas pire inflation que celle des promesses.