Le chef du gouvernement Aziz Akhannouch, dont le mouvement Gen Z réclame bruyamment la démission, a envoyé son porte-parole Khalid Baitas dialoguer sur un plateau de la télévision publique avec un leader du collectif du nom de Majid.
Propos recueillis par Laila Lamrani
M. Baitas (sourire professionnel et légèrement condescendant) : « Cher Majid, tout d’abord, permettez-moi de vous dire combien je trouve stimulant ce dialogue avec la jeunesse. Le Maroc de demain se construit dans l’échange, vous savez. »
Majid, (sans sourciller) : Enchanté, M. le ministre. On commence par l’échange, donc. Notre mouvement demande le départ du gouvernement. Quelle est votre offre ? »
M. Baitas, (déstabilisé) : (Il toussote) La jeunesse, toujours dans l’immédiateté ! Le Royaume est un navire. On ne change pas de capitaine en pleine tempête. On affine la trajectoire. Nous avons lancé l’Initiative Nationale pour l’Épanouissement Concerté de la Jeunesse (INECJ) qui, je peux vous l’assurer, traite en profondeur…
Majid, (l’interrompant brutalement) : …de l’augmentation des prix du carburant? Parce que mon frère, diplômé en génie informatique, qui fait de la livraison à moto pour 2500 dirhams par mois, c’est ça, sa trajectoire ? L’INECJ, c’est le énième machin qui va pondre un rapport qui ira encombrer les tiroirs.
M. Baitas (le sourire se fige) : « Je rejette ce terme de « tiroir ». C’est un travail de fond, structurant Nous créons les conditions… L’émergence d’une classe moyenne entrepreneuriale est au cœur de notre action. Le chef du gouvernement, lui-même businessman accompli, y veille personnellement. »
Majid: L’émergence, oui. Moi, ce qui émerge chez moi, c’est les factures salées de la vie chère et le sentiment qu’on se fout de notre gueule. Vous parlez d’’ entrepreneuriat », nous on parle de « survivre ». C’est pas tout à fait la même startup.
M. Baitas, (tentant de reprendre la main) : Votre langage est cru, cher bonhomme. La réforme…
Majid : …Je ne suis pas votre enfant . Je suis un citoyen. Un citoyen qui n’arrive pas à se loger, qui voit ses profs faire grève pour un salaire décent, et qui lit que des milliards partent dans des projets pharaoniques pendant que les hôpitaux manquent de tout. Vous appelez ça une « réforme », nous on appelle ça une blague. Une blague très, très mauvaise.
M. Baitas, (rougissant légèrement) : Il faut de la vision ! Regardez le port Tanger Med, le TGV, les énergies renouvelables, les autoroutes… C’est cela, le Maroc de demain !
Majid : Le Maroc de demain, il a besoin de jeunes qui y croient aujourd’hui. En ce moment, le Maroc de demain , il est en train de préparer son CV pour tenter de partir à l’étranger. C’est ça, notre vision. Une vision de départ.
M. Baitas, (agacé) : Ce défaitisme ne mène à rien ! Le changement, c’est un processus. On ne peut pas tout casser.
Majid : Personne ne veut rien casser, M. le ministre. On veut juste une place à table. Et pour l’instant, on nous demande juste de la débarrasser. Vous avez peur qu’on casse les meubles, mais vous ne voyez pas que la maison risque de brûler.
Vous savez ce qui se dit sur les réseaux ? Qu’on vous appelle les « dinosaures du Makhzen ». Pas à cause de votre âge, mais à cause de votre lenteur et de votre incapacité à comprendre que le monde a changé. Vous parlez de « dialogue » en lisant un discours plein de langue de bois. Nous, on parle en direct. Sans filtre.
M. Baitas (se levant, pincé) : « Je crois que ce dialogue a atteint ses limites. La jeunesse a besoin de respect et de considération pour ses aînés qui portent le fardeau de la décision.
Majid (se levant à son tour) : Le seul fardeau que vous portez, c’est celui de votre impopularité. Nous, on porte celui de votre héritage. Bon courage pour votre prochain communiqué de presse. Essayez les mêmes, ça détend parfois..








