Khouribga, une ville française… (43)

Nous célébrons le centenaire de Khouribga et de l’OCP, l’Office Chérifien des Phosphates voulu par Lyautey. ‘‘Jnaynar Lotti’’, comme le nomment les Ouled Abdoun, en signant le décret du 27 janvier 1920, est conscient du caractère exceptionnel de l’Office, prononcé ‘‘Loufisse’’ par les autochtones, et décide d’en confier l’exploration et l’exploitation au seul ‘‘Magasin’’ (ma5zen) afin d’éviter la rapacité du secteur privé. La découverte fortuite des phosphates chez les Ouled Abdoun, faite en 1917, à l’occasion des travaux de la ligne de chemin de fer Casablanca/Oued-Zem, va booster l’économie du Maroc. Lyautey perçoit les revendications du Maroc qui n’est plus « figé dans une forme théocratique immuable » et que le choc des cultures a réveillé. Les politiques français de tous bords (y compris le cartel des gauches) ne sont pas prêts. La France est ruinée par la première guerre mondiale : le déficit extérieur s’élève à 40 milliards de Francs. Le pays n’arrive pas à couvrir ses importations. La France vit à crédit, réalise des transferts d’or et rachète des titres étrangers. Sa dette publique représente 200 % de son PIB. Le poids de la dette empêche le retour à la parité-or du Franc et complique la stabilisation de cette monnaie dans les années 1920. L’Empire colonial va faire suer le burnous pour remettre les comptes à flot. À l’instar de « Star Wars », ‘‘quand l’Empire est attaqué, l’Empire contre-attaque’’. Pour éviter le piège de l’administration directe, ‘‘Jnaynar Lotti’’ tente de mettre en œuvre la formation d’élites marocaines qui prendront peu à peu la relève. Autour de 1914, Lyautey a fondé des collèges musulmans à Fès (collège Moulay Idriss) et à Rabat (collège Moulay Youssef). En 1916, il propose de former des jeunes issus des collèges musulmans en leur procurant des stages dans la fonction publique. Cette proposition est restée lettre morte.

En 1918, il fonde à Meknès le collège militaire de Dar Beida. L’inconvénient de ces collèges est le manque de débouchés, car ils ne permettent pas de passer le baccalauréat. Néanmoins, l’intégration d’élèves officiers de Dar Beida dans l’armée est facilitée. En application du programme transmis au gouvernement, Lyautey décide en 1921 que les trois premiers de chaque promotion de Dar Beida se verront offrir des postes à la Résidence, au ‘‘Magasin’’ et au renseignement, mais comme leur bagage est insuffisant, il organise pour chaque promotion des stages et voyages en France, avec visite des principales institutions métropolitaines et rencontres avec les hauts responsables de l’État. Ce collège militaire de Dar Beida a été rebaptisé de nos jours « Académie royale militaire ». Avant de devenir collège militaire de Dar Beida sous la houlette de ‘‘Jnaynar Lotti’’, c’était un palais bâti au milieu du XVIIIème siècle par Mohamed III, petit-fils du sultan Ismaïl. Ahmed La3laj Inglizi en était l’architecte. Son nom arabe peut être traduit par ‘‘Ahmed le Renégat Anglais’’. C’était un corsaire converti à l’Islam, à qui le Sultan Mohamed III avait confié plusieurs chantiers (fortification du port d’Essaouira, Oudaya). Le palais de Mohamed III fut ensuite abandonné à la suite de son pillage par les anarchistes de Bled Siba qui échappaient à l’autorité du sultan Abderrahmane. Le bâtiment est alors utilisé comme dépôt de vivres et comme arsenal, puis devient la caserne militaire ‘‘9aschla Tabor 7araba’’ du sultan Hassan 1er avant que Jnaynar Lotti ne la transforme en collège militaire de Dar Beida.

Parallèlement, il crée en 1920 l’Institut des Hautes Études marocaines à Rabat, dont l’animateur est le professeur Ma5louf Lévi-Provençal, avec pour mission d’acculturer à petite dose l’élite marocaine. Ce professeur sera exclu de l’enseignement supérieur par les antisémites pétainistes du régime de Vichy. Réintégré en 1944, il termine sa carrière comme professeur à la Sorbonne et directeur de l’Institut d’études islamiques de l’Université de Paris. Aux congrès de l’Institut, Lévi-Provençal tient d’ailleurs ses discours en arabe. ‘‘Jnaynar Lotti’’ ne réussit pas à vaincre les résistances d’une France ruinée par une guerre civile entre Zéropéens. Après l’arrivée au pouvoir du cartel des gauches, les instructions mafieuses envoyées à Lyautey sont claires : « Le Maroc a assez coûté, il faut maintenant qu’il rapporte ». (A suivre)

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