La note de conjoncture relative au premier trimestre 2023, publiée tout récemment par l’INAC-HCP (Institut National d’analyse de la conjoncture) vient confirmer les prévisions établies auparavant tablant sur une croissance économique ne dépassant pas les 3% dans le meilleur des cas, contre 4% prévus dans la loi de finances. A l’origine de cette atonie, on cite la faiblesse de la croissance dans les activités secondaires, le repli de l’activité minière, le marasme du secteur du bâtiment et la persistance des conditions climatiques défavorables. Dans l’ensemble, à l’exception du secteur automobile, ce sont les activités tertiaires qui tirent la croissance, ce qui est un signe de fragilité de l’économie et une source de précarité de l’emploi. Bien sûr, la forme du conditionnel utilisée dans la note du HCP nous invite à prendre les données publiées avec précaution en attendant la publication des résultats définitifs de l’année en cours.
Au niveau des activités primaires, la valeur ajoutée agricole se serait redressée, au premier trimestre 2023, de 2,1%, en variation annuelle, après avoir régressé de 14,3% au cours de la même période de l’année passée. Toutefois, cette reprise risquerait d’être de courte durée dans la mesure où les conditions climatiques sont loin d’être favorables. Ainsi, depuis le mois de novembre 2022, les précipitations cumulées jusqu’au mois de mars 2023 ont été inférieures à la normale saisonnière de 16,5%. Le taux de remplissage des barrages aurait atteint 34,6% à fin mars.
Par ailleurs, le secteur de la pêche aurait maintenu sa tendance baissière au premier trimestre 2023, avec une diminution de sa valeur ajoutée de 11,8%, en variation annuelle, au lieu de -7,3% enregistrée au même trimestre une année auparavant. Cette contreperformance serait attribuable au recul de 14,8% de la production de la pêche côtière et artisanale, en raison d’une forte baisse des débarquements des céphalopodes. Le volume des exportations des produits de la mer se serait, également, infléchi de 8,2%, après une progression de 2% au même trimestre de l’année précédente. Pour ce qui est des activités hors agriculture, ce sont les activités tertiaires qui s’en sortent le mieux, en particulier le tourisme et le transport. Ainsi, le tourisme vit des moments euphoriques et la situation est en passe de retrouver son dynamisme d’avant covid. Les arrivées et les nuitées touristiques auraient plus que triplé et les recettes voyages auraient quadruplé au premier trimestre 2023 en glissement annuel, plaçant ainsi le secteur en phase avec la feuille de route stratégique 2023-2026 adoptée dernièrement par le gouvernement avec la mobilisation d’une enveloppe de 6,1 MM DH pour la période quadriennale.
Les activités de transport auraient poursuivi leur redressement au rythme de 4,8% au premier trimestre 2023 en variation annuelle, tirées notamment par la vigueur du trafic aérien. Ce qui devrait en principe, dans la logique de rentabilité capitaliste, inciter notre compagnie aérienne à revoir ses tarifs à la baisse pour drainer plus de clients et accompagner la dynamique que connait le tourisme.
L’activité des industries extractives aurait régressé à un rythme moins accentué au premier trimestre 2023, affichant une baisse de 10,2%, en variation annuelle, au lieu de -16% un trimestre plus tôt. Ce repli est dû principalement à la contraction de la demande extérieure adressée aux produits miniers marocains et notamment aux phosphates bruts.
L’activité manufacturière connaitrait une légère reprise. En variation annuelle, sa valeur ajoutée aurait augmenté de 2,9% au premier trimestre 2023 au lieu de 0,4% un trimestre plus tôt. Cette amélioration est due essentiellement à l’industrie agro-alimentaire orientée vers l’exportation qui a affiché un taux d’augmentation de 6,9% au premier trimestre et à l’industrie du matériel de transport qui aurait conservé sa dynamique pour le quatrième trimestre consécutif, affichant une hausse de 17%. Les ventes extérieures des parties et pièces de voitures de tourisme et des fils et câbles électriques auraient également connu un sensible mouvement de reprise, avec des hausses de 22,2% et 20,6% respectivement, en variations annuelles, au terme des deux premiers mois de 2023.
Descente aux enfers
Par contre, le secteur de la construction poursuit sa descente aux enfers. Ainsi, la valeur ajoutée des industries liées à la construction aurait affiché une baisse de 6,6% au premier trimestre 2023. La valeur ajoutée de la construction se serait contractée pour le troisième trimestre consécutif, affichant une régression annuelle de 3,8% au premier trimestre 2023. Le coût élevé de la construction, en dépit de la détente des prix de certains intrants, et le renchérissement du crédit auraient découragé l’activité du secteur. Tout indique, en effet, que la crise qui frappe de plein fouet ce secteur est appelée à durer sous l’effet notamment du renchérissement du coût du crédit immobilier et du repli des grands chantiers publics. D’ailleurs, les professionnels ne maquent pas d’exprimer leur scepticisme quant à l’avenir de ce secteur.
Dans l’ensemble, la croissance quoique modérée, continue toujours à être tirée par la demande intérieure, à savoir la consommation (privée et publique) et l’investissement. Dans une telle posture, toute atteinte à la demande risquerait d’être fatale à la croissance, et par ricochet à l’emploi. Les exportations bien qu’elles enregistrent un taux de croissance en valeur de 7,9% en glissement annuel, n’arrivent pas à atténuer le déficit commercial dans la mesure où nos achats de l’étranger se sont appréciés de 11,6% en valeur. Il en résulte une dégradation du taux de couverture de 2 points pour se situer à 58,4% au terme du premier trimestre 2023.
A souligner enfin, le bon comportement de nos finances publiques. Ainsi, les recettes ordinaires auraient marqué une amélioration de 11,6% en glissement annuel intéressant pratiquement toutes les composantes. Les taux maximums sont enregistrés pour les recettes douanières avec 21,1% et les recettes non fiscales avec 24%. En revanche, les dépenses ordinaires auraient marqué un repli de 3,9%, du essentiellement à une baisse drastique des dépenses de compensation. Par conséquent, le déficit budgétaire s’est atténué de de 49,8%, se situant à -5,7 MM de DH à fin février 2023, contre -11,4 MM DH aux deux premiers mois du budget 2022. Ce résultat ne devrait pas nous réjouir outre mesure. Tout dépendra de l’évolution de la situation au cours des prochains mois. La bourse des valeurs qui est un signal fort et un indice de confiance des investisseurs garde toujours la tête dans l’eau.
En résumé, la conjoncture n’est pas au beau fixe. La situation est difficile certes, mais elle n’est pas désespérée. A condition, toutefois, que les responsables saisissent toutes les opportunités offertes. Les crises peuvent être salutaires quand on en fait une occasion pour remettre en cause des choix qui ont montré leurs limites et procéder aux réformes nécessaires de nature à mettre notre économie sur un sentier vertueux de la croissance.